
Death Wellness
DécryptagesL’idée de mieux intégrer à sa vie la mort devient partie prenante de la dynamique sur le bien-être.
Si au Royaume-Uni l’année dernière, 93% des femmes et 91% des hommes disaient avoir amplement conscience de leur propre mortalité, seulement 27% des personnes interrogées confiaient avoir rédigé un testament et 81% d’entre eux n’avaient pas épargné pour leurs funérailles selon une étude menée par YouGov.
Alors que le sujet est de loin le dernier grand tabou d’une société qui s’éloigne de l’influence de la religion, l’idée de s’y intéresser culturellement, et de l’intégrer à son lifestyle fait pourtant son chemin.
Réhumaniser la mort
Bien que la mort ne soit pas en trending topic sur Twitter, les initiatives personnelles (thérapeutes, professionnels indépendants) et collectives (communautés, médias, blogs, think tanks) se multiplient pour proposer un angle plus doux, parfois clairvoyant sur un sujet largement désincarné ces dernières décennies.
En Grande-Bretagne, « Grief Works » publié l’année dernière par la psychologue Julia Samuel a été un succès considérable en librairie et a permis d’immiscer des chemins différents autour du deuil. Son appréhension et son intégration dans nos vies dans un climat où les grandes lignes tracées par la religion s’estompent.

Aux Etats-Unis, des blogs comme « What’s your grief » (quelle est ta douleur) fondé par des thérapeutes, explore aussi la complexité du phénomène avec un contenu varié entre conceptualisation, décryptages culturels et conseils pratiques pour y faire face.
Dans cette idée de vulgarisation qui milite pour une sérénité nouvelle, l’ancienne croque-mort Caitlin Doughty a monté « The Order of Good Death », une organisation qui démocratise visiblement les sous-lieux de l’épreuve et invite à l’échange. Sa chaine Youtube, Ask a mortician compte près de 800 000 abonnés et révèle de la même façon une pédagogie entreprenante autour de la question.
Et le phénomène s’étend plus largement encore. Si Facebook et Instagram ne captent pas d’audience débordante sur le thème – parce qu’ils souhaitent laisser à la marge selon Juliette Cazes, anthropologue et fondatrice de la chaine Youtube Le Bizarreum – le sujet change de dimension ailleurs sur le web.
En France, des sites spécialisés comme Happy end life s’avancent comme des médias à la quête des innovations qui seraient à la base d’une autre conception de la fin de vie et des émissions comme le podcast Mortel (élaboré par Nouvelles Ecoutes) ont été LA révélation du dernier semestre sur Soundcloud.
En librairie c’est le jardin des étoiles mortes de Laure Margerand qui pose la question des obsèques à l’heure du digital et participe à l’intention générale de vulgariser la mort. Une réflexion qui trouve un certain succès auprès des lecteurs.
Autre preuve que les langues sont en train de se délier, les lieux dédiés à la discussion autour de la mort se développent aussi avec plus de charisme : aux US avec des exemples comme Death Café à Los Angeles, en Afrique du Sud par Jozi Death Café ; ou en Thaïlande incarné récemment par le Kid Mai Death Awareness Café. Leur point commun : la volonté de vouloir procurer un sentiment de soulagement profond autour de la fin de vie.
Un marché qui fait sa révolution marketing.
Et le marché – qui représente 20 milliards de dollars aux US – inspire une nouvelle génération d’entrepreneurs. Des sociétés nées en ligne veulent twister les services funéraires – généralement confinés dans la tradition et dans la culture du dernier moment en quelque chose de réellement désirable, autour d’une approche visuelle moderne avec des options claires.
En témoigne Nirvana Asia, leader du secteur en Asie du Sud-Est ou encore FuneralBooker qui sur les conseils de l’agence SomeOne est devenu Beyond avec des codes couleurs positifs (principalement autour du jaune) et un langage plus avenant qui a embrayé une forme de relation nouvelle autour des funérailles.

Si certaines communications ont été jugées provocantes (avec des codes proches des compagnies aériennes low-cost), le message est relativement nouveau : la mort n’est plus cette donnée qu’on met de côté, laissant ses proches dans l’improvisation, mais une démarche personnalisée à apprivoiser.

Au cœur de ce mouvement, le Business Insider révèle que d’autres entreprises se mettent à la page et prennent leur responsabilité.
La startup Willing a levé récemment 7 millions de dollars dans l’idée d’offrir aussi une nouvelle vague expérientielle autour du testament. Et d’autres agences comme Solace, fondée par deux anciens cadres de Nike, s’immiscent sur le marché plus vaste de la « care consultancy » avec une approche conseil plus transparente mêlant accompagnement et organisation des funérailles.
Une disponibilité mentale qui permet d’ouvrir une ère à la fois moins conventionnelle et dédramatisante sur un sujet souvent asséchant dans sa seule perspective commerciale.

Image à la Une © Plastic Rain – Andres Reisinger