
Gen Z & Culture : trois drivers pour les marques
DécryptagesD’une portion d’âge (18-24 ans), à une grille de lecture, la Gen Z redessine le nouvel underground politique qu’est la culture. Décryptage.
A l’épicentre des cibles d’adhésion des hubs culturels, des plateformes de streaming et des musées, plus entreprenants et plus lucide sur la réalité à l’œuvre, la génération Z (après Y, avant alpha) comptera en 2020 pour 40% des consommateurs à l’échelle mondiale (4 Billion de dollars, selon une étude MNI Targeted Media). De quoi faire de la compréhension de leurs comportements un élément clé de réussite commerciale.
#1 – Des interactions connectées
Depuis que le digital est devenu the place to be, to live, to meet, to buy, to sell, to check… la monomanie de la fluidité est devenue légion chez les plus jeunes. Dans un monde que les sociologues décrivent comme « liquide », cette génération porte en elle l’obsession d’échapper aux contraintes, qui sont des contraintes de temps.
Si l’Observatoire des nouvelles consommations (IPSOS, 2017) note que deux tiers de cette tranche d’âge est à l’affut des nouveautés technologiques, la réponse intuitive des hubs culturelles est dans les nouveaux cadres d’interactions, seamless et connectés.
La récente vague de démocratisation des éléments culturels confirme ce mouvement. Vers plus d’accessibilité de consommation de savoirs. La culture n’est plus un bien qui se consomme seulement et restrictivement dans des lieux dédiés, clos, mais il convient qu’elle soit accessible et fluide pour un public amplement digitalisé.
Première archi-réponse à cette demande de démocratisation : les hubs culturels jouent des phénomènes numériques pour mettre en avant une culture plus protéiforme auprès de la Gen Z. Les japonais teamLab, dont «BorderlessWorld» après « au-delà des limites » est une pleine réussite à Tokyo. Une identité tridimensionnelle reprise à l’atelier des lumières par le collectif Ouchhh avec son installation Poetic AI qui fait appel à l’intelligence artificielle pour innover dans le processus visuel. Au UK et dans le même sens, la galerie Process fait aussi peau neuve sur ces critères avec l’exposition des œuvres radiologiques de Nick Veasy. Une première.


L’IA est aussi un levier pour exporter la culture et faciliter le parcours visiteur comme démontrée par Google Arts & Culture et le travail de l’indien Amit Sood en 2016. Les visites du MoMA de New York sont depuis deux ans déjà disponibles depuis chez soi et cette stratégie de liberté d’accès a été imitée en France par Viva l’Opéra dans les cinémas UGC pour retransmettre, en salles cette fois, la culture moins accessible incarnée par les grands Opéras.
En parallèle, out le binge-watching, les plateformes de streaming deviennent des leviers pour une approche culturelle plus dynamique comme Medici.TV (le netflix de la musique classique) ou ImagoTV (nouveau netflix sociétalement engagé) mais les diffuseurs répondent aussi et surtout à la volonté de libre choix du spectateur par l’expérience de séries interactives comme « Mosaic », produite en 2018 par HBO ou « Bandersnatch », lancée début 2019 sur Netflix.
Le tout nouveau « The Angry River », en salles cette fois, vient renforcer l’idée de la plateforme américaine : la plus grande menace est, pour des questions de temps d’écran, située du côté de l’industrie des jeux vidéo. Chose soulignée encore par le réalisateur Armen Perian, pour expliquer ce choix interactif.
#2 – De nouveaux marqueurs identitaires
Deuxième enseignement : cette génération est en quête d’une société plus impliquante, plus équilibrée et plus juste. En marge du schéma de « frontières » porté par la société de catégorisations, ils sont motivés par la volonté de mélange des marqueurs identitaires. Et la diversité devient le standard d’une société plus affirmée.
Alors que les notions de ce signifie être inclusif évoluent, les hubs culturels doivent développer de nouvelles stratégies qui vont au-delà de l’autonomisation des groupes minoritaires, au profit de stratégies incitant les visiteurs appartenant à des groupes plus privilégiés de s’assurer du sentiment d’appartenance des autres.
Comme en a largement discuté Fabrizio Gavosto, le directeur artistique de Mirabilia lors de la conférence « streets art for an inclusive society » l’art de la rue devient un vecteur plus important encore d’inclusivité. Le « nouveau langage des temps anciens » selon l’expression du street art magazine s’invite largement dans les fondations pour parler de changement social : Basquiat à la Fondation Louis Vuitton, Vhils à la fondation Carmignac et des collaborations avec des marques de luxes comme Hennessy émergent même à côté.

Plus fort encore et après la démonstration de Beyoncé et Jay Z au Musée du Louvre par APES**T (160 millions de vues sur Youtube) en 2018 du mélange culture hip hop décor classique – la joconde, le sacre de Napoléon – le mélange des genres prend de l’ampleur. Une dynamique observée au moins accessible opéra avec Ariodante (Cécilia Bartoli) mais aussi au cœur du musée de la monnaie à Paris, par le biais du britannique Grayson Perry : « Identité, Vanité, Sexualité ». Et une réflexion affinée qui suggère une amélioration de l’identité masculine

#3 – Des espaces de vérité
Autre archi-particularité : l’aspiration pour le vrai et l’authenticité émerge comme un driver fort dans un monde perçu comme instable. Les consommateurs sont en quête de transparence, et la culture est vécue aussi comme un espace de répit face à l’omniprésence du commercial. Alors que 76% de cette génération est hyper informée et concernée par l’impact de l’Homme sur le climat, il convient surtout que la culture participe à faire émerger un nouveau rapport à la quantité. Plus sélective – ils savent filtrer tout ce qui manque de ton, de langage, de preuve ou de pertinence – qu’excessive.
De cette posture « woke », éveillée, la vérité et la franchise en découlent comme des valeurs fortes. Valeurs qui sont à la base du cadre authentique Fashion for Good Museum, à Amsterdam, qui se veut un lieu dédié à la prospérité sociale par le bais de la mode (moins linéaire, plus circulaire).
Le #nofilter (250 millions de publications sur instagram) et la simplicité sont une autre manière de répondre à ces attentes, et se retrouvent dans la démarche extremement dépouillée de l’artiste coréen Lee Ufan, exposée au centre Pompidou de Metz ou dans le lien entre naturalité et visiteurs, exprimé au Chi Chu Art Museum par un béton banché monotone et l’éclairage sombre puisque naturel du parcours visiteur. Ce qui les rassemble : le soin et l’exigence du non-décor.

Dans une lignée toujours anti-marketing mais plus radicale, le choix de la nudité est adoubé dans la performance « The Great Tamer », au festival d’Avignon. Un anti-marketing, plus globalement, qui s’incarne dans les critiques artistiques d’une société saturée. On pense aussi au collectif MU, son imaginaire de Garage, et les accueils marquants réalisés en 2018 comme le minibus du No Show Museum, dédié à l’art conceptuel s’attachant à l’univers du « rien ». Néo notion de résonance.
Crédit de couverture © teamLab – Tokyo’s Mori Building Digital Art Museum