
L’amont de la filière textile se réinvente au prisme de l’éco-responsabilité
DécryptagesD’un élément différenciant, à une injonction globale, la filière textile s’envisage désormais au prisme de l’impact environnemental et de la responsabilité sociétale. Pour répondre a ces nouveaux prérequis consommateurs, le secteur entame sa révolution : de l’amont à l’aval.
1 – #REDUIRE
Dans un contexte où 44% des Français affirment avoir acheté moins de vêtements que lors des années précédentes, que plus d’un vêtement féminin sur deux (50,4%) était vendu en promotion il y a deux ans (IFM) et qui a vu des marques accusées d’avoir brûlé leurs invendus, il est devenu impératif de produire moins.
Il s’agit d’arrêter la surproduction en repensant les logiques d’un système économique qui ne fonctionne plus aujourd’hui :
D’une temporalité de longue durée (de la conception à la mise en boutique) il faut passer à une temporalité de courte durée, et d’une chaîne de valeur éloignée du client il faut passer à une chaine de valeur dans laquelle celui-ci est le point de départ ET le point final.
D’une industrie de « Push » il faut passer progressivement à une industrie de « Pull ».

Cela passe bien entendu par une meilleure utilisation de la Data Demande Client ou de logiciels et d’outils de production agiles.
Des start-up comme Tekyn ou Unmade proposent des modèles de productions agile et des acteurs incontournables de l’industrie comme LECTRA ont lancé leur solution « Fashion-On-demand».
Une révolution serait-elle en marche ?
2 – #RECYCLER
Autre axe majeur de différenciation : la capacité à fabriquer des produits ou des composants à partir de matières issue du recyclage.
A disposition des marques, plusieurs acteurs B to B incarnent ces nouvelles zones de possibilité : Repreve, transformant les bouteilles recyclées en fibre vestimentaire s’impose comme une solution de fond, mais aussi le désormais géant espagnol Seaqual, spécialisé dans le sourcing à partir des déchets de l’Océan.
Une posture solutionniste, spécialisée sur le nylon recyclé, imitée par Econyl, à la base de cet élan plus large auprès des marques. En témoigne son récent partenariat avec Prada sur la fabrication de ses sacs emblématiques en plastique recyclé.

Si les secteurs de l’outdoor et du sportwear ont été pionniers sur ces démarches de recyclage, avec des agitateurs comme Patagonia, REI, Ternua ou plus récemment Adidas – qui vient de renforcer sa crédibilité sur le sujet avec sa chaussure FutureCraft Loop – nombreux acteurs textiles, petits et grands ont fait de la « mono matière » (le seul moyen pour un produit d’être recyclé en totalité) une priorité. Dernier exemple en date : Le Histon Project, le premier concept store dédié au lin à Paris. L’utilisation de matières recyclées commence à s’étendre également sur les packaging et embalages produits. Ainsi Hast, start up spécialisée sur la chemise innove en annoncant être la première marque textile francaise à bénéficier de la technologie TIPA, une société qui, aux emballages plastiques répond par des emballages compostables et biodégradables.

3 – #REUTILISER
Le surcyclage (ou Upcycling) consiste à récupérer des matériaux pour les transformer à nouveau en produits.
« Don’t Throw it away, because away does not exist » est le slogan qui colle particulièrement à l’engouement mondial autour de la seconde main (+ 12%par an pendant les trois prochaines années selon le BCG, contre 3% pour le marché du neuf, mais ce n’est pas tout. Longtemps le secteur de la mode s’est concentré sur l’amont – de la conception du produit à sa fabrication… et si à présent on envisageait en amont, l’après ?
Dans la lignée des acteurs qui introduisent une offre de vestiaire en location, plus durable, des plateformes comme Adaptarepensent la valorisation des matières les plus nobles (notamment les cuirs haut de gamme) au sein de l’industrie du luxe.
Des marques comme Balzac Paris montrent l’exemple et axent toute leur stratégie autour de la responsabilité et de la durabilité avec leur programme TPR (Toujours Plus Responsable) via le lancement de collections capsules faites à partir de tissus non utilisés ou des partenariats avec Le Relai. Des start up qui permettent l’upcycling voient le jour à l’instar d’Adapta qui repense la valorisation des matières les plus nobles (notamment cuir) en permettant l’accès à ses clients aux matières non utilisées.
Enfin, des marques proposent des alternatives intéressantes de prolongement de la vie de leurs produits à l’image de Nudie Jeans qui propose réparations gratuites de ses jeans.



4 – #RELOCALISER
En 2019, un jean parcours en moyenne 65 000 km avant d’attérir dans l’armoire de son client. Une donnée qui a fait grandir la prise de conscience autour de la nécessité du local pour être responsable.
Si des acteurs comme le slip francais évangélisent sur la production locale de textile, l’idée s’est démocratisée. D’autres acteurs comme Jean Fil et 1083 – communicant sur un produit qui a parcouru moins de 1083 km pour arriver jusqu’à son client – repensent plus largement cette notion de « Made In » en maitrisant la chaine de production, de la matière première (le coton) au produit fini.
Aux Etats-Unis, Reformation joue du même argument commercial : mettre ouvertement en avant ses fabricants et raconter des histoires au prisme de la localité pour (re)gagner la confiance du consommateur en aval.
Ce qu’il faut retenir
La monté en puissance de la notion de durabilité rebat les cartes du secteur. Et devient un élément clé de la relation marques-consommateurs.
D’un côté les alternatives s’élargissent. De l’autre, chacun attend des marques qu’elles soient sans filtre et aient des partis-pris forts en accord avec les urgences du moment : sociales ou environnementales. La transparence fait office de nouveau mantra pour un consommateur « éclairé » et les moyens de s’informer ont fait leur révolution ces dernières année ; Clear Fashion (France), Consensys (Suisse) ou encore Provenance, et son slogan pour le moins parlant « every product has a story ». Le tout laissant imaginer, demain, une relation renforcée entre responsabilité de la supply chain et success stories à l’international.
Image à la Une : ELV Denim