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Erol Ahmed
Timothée Richard 16.12.20

Less Choice is More

Décryptages

Débordés par un monde « sublunaire », où règne le multiple et la contingence, les consommateurs se tournent vers les acteurs qui endossent une version rationnalisée… et plus limitée du choix.

Dans une étude publiée fin 2018 dans la très sérieuse revue Nature aux Etats-Unis, le constat autour de la « surcharge de choix » a pris un peu plus de poids que les décennies précédentes : « avoir trop de choix est préjudiciable si le coût du choix l’emporte sur ses avantages ». Confirmant l’idée, passé un degré de multiplicité, de la perte de repères chez le consommateur.

Cette idée, relayée par le psychologue américain Barry Schwartz, dans son livre « The Paradox of Choice », comme la plus grande incompréhension des marketeurs contemporains, n’est pas selon lui un manque à gagner pour les marques mais une occasion de lutter contre l’anxiété d’une part et de croître le degré de satisfaction des consommateurs.

Une idée qui, dans une société marquée par ces excès, redéfinit drastiquement la manière d‘aborder la pluralité pour les marques.

Barry Schwartz - The Paradox of Choice

Personnalisation au pluriel

Ce phénomène, qui gagne du terrain au fur et à mesure de l’étendue des frustrations vécues sur Netflix – 15% de la « bande passante » internet au niveau mondial – Tinder et consœurs, on le retrouve d’abord du côté des acteurs qui tentent de guider leur client en personnalisant son parcours d’achat.

Dans la mode, alors que le concept de « capsule wardrobe » – une garde-robe privilégiant la qualité à la quantité – grandit aux Etats-Unis, c’est Finery – racheté récemment par Stitch Fix – qui se fait l’étendard de cette nouvelle façon de penser. Un site conçu pour « mieux s’organiser » et vous aider à tirer le meilleur parti de votre vestiaire.

« Grâce à l’apprentissage automatique, il suggère des combinaisons de tenues, en utilisant les habitudes d’achat d’autres utilisateurs et une base de données contenant plus de 1,5 million d’images. La plateforme devient également plus intelligente au fil du temps, en tenant compte de ce qui se trouve déjà dans la garde-robe des utilisateurs pour proposer de nouvelles combinaisons» explique un porte-parole.

Un positionnement guidant imité par Choice Market (food), mais aussi Carrefour Voyages, invitant ses clients à agir tout en étant attentionné à leur égard : « Dites-nous qui vous êtes, nous vous dirons où aller » raccourcicant– au risque de paraître paternaliste – l’accès aux offres pertinentes.

Ailleurs, cette notion de construction de l’efficacité du parcours de sélection par la question gagne aussi du terrain. Clare, au cœur d’un marché du paint shopping, largement saturé de nuances, s’est fait un nom par son parcours d’achat « Clare Color Genius » (similaire au QI développé par Sephora) accentuant à travers 8 questions (superficie, quantité de lumière, décor existant, style personnel, …) sur une expérience plus ciblée pour les consommateurs.

Clare Color Genius

De la polyvalence à l’expertise spécifique

Mais ce n’est pas tout. A une époque qui s’achemine vers une époque de pointe, remettant en cause l’idée de « polyvalence » – poussée à son extrême – offrir moins d’options est aussi le parti-pris de plusieurs marques-experts.

Dans le cadre de son programme de changement de marque, Resident, détaillant d’ameublement pour la maison, a lancé une marque de canapé rationalisée appelée Bundle. Dans l’esprit des produits uniques proposés par ses marques de niche Awara (matelas) et Wovenly (tapis), la marque Direct-to-Consumer a été lancée avec deux options de sièges : un canapé simple disponible en quatre coloris et un pouf. Une première à l’heure où le modèle IKEA prospère.

Resident

En France, l’idée fait aussi son chemin comme chez La Marque en Moins, permettant de communiquer sur une démarche iconique de ses produits, qui plus est dans le secteur de la grande conso. Les maîtres mots : unicité, confiance et cohérence.

La Marque en Moins

À l’ère de la fluidité, le numérique aussi sera rationnalisé ?

Une série de nouvelles applications facilitent l’intégration des choix directs dans les styles de vie occupés des consommateurs. Ethical Time, par exemple, est une application gratuite qui a récemment été lancée en Espagne pour connecter directement les consommateurs responsables aux 500 marques du secteur de la mode via une plate-forme pratique.

Et avec un marché du dating qui devrait croître fortement dans les années à venir, le même message – s’appuyant sur un mode de sociabilité plus restreint – s’intègre au monde du dating (Hinge, Sapio, Once, …). Proposant petit à petit une sortie du « game-like » à forte absorption attentionnel pour aller vers des parcours de rencontres plus limités.

Preuve qu’à la perspective de « multiplicité », la réponse par la restriction devient le gage d’une nouvelle qualité relationnelle.

Image à la Une : ©Erol Ahmed

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