
No Fake Proof
DécryptagesIl est une époque où le fake (faux) redessine les frontières du visible. Un flou qui pousse les consommateurs à rechercher des marqueurs de vérité et les marques à coopérer vers une nouvelle logique de savoir d’achat.
Dans un article du New York Mag daté de décembre 2018 « How much of the Internet is fake ? », l’auteur décortiquait l’ampleur des mécanismes de faux semblants sur la toile. Et bien plus encore du côté de la société, par le biais des Cahiers Européens de l’imaginaire, qui réunit scientifiques, sociologues et artistes contemporains sur le sujet.
Ce message – qui transparait dans ces publications – et les études dédiées au sujet confirment la redéfinition de la relation aux enseignes : selon l’institut Opinionway, 53 % des jeunes générations n’ont plus confiance en l’information délivrée par les marques.
Dans ce contexte, distinguer le faux du vrai du vrai du faux est un défi insidieux pour le consommateur. De ce fait, le besoin d’éléments tangibles, sur l’origine, l’originalité, le concret et l’effectif suscitent tous les intérêts.
A la conquête de l’amont pour regagner le client en aval
Première partie de réponse du côté des marques : la mise en avant de la chaîne de production redevient l’objet d’un engagement lifestyle.
De la même façon que la restauration – qui vit le décloisonnement de ses cuisines – les dernières créations font de leur chaîne de valeur un néo gage de confiance. Parti-pris incarné par 1083, et son slogan « relookaliser » qui mise sur la garantie que son produit final ait parcouru « au plus » 1083 kilomètres avant d’arriver entre nos mains. Un principe approprié pour partie par le duo de créateur EKHAUS LATTA, qui a fait le choix de mettre en avant les maquettes de leurs collections au Whitney Museum, à New York à l’été 2018. L’occasion d’une réflexion non pas sur les produits mais sur les formes (collectives) de leur production.


Dans la mouvance de ce manifeste sur la localité, le « Made in Town » pousse encore un peu plus loin le concept des circuits courts.
A l’instar de La Trésorerie qui développe avec « Localitude » des forts marqueurs identitaires sur ses objets design. On va jusqu’à évoquer en termes plus marketing le « remède in France », concept qui traduit une façon de ne pas se cacher derrière les astérisques, les petites lignes et les régulations mais de prendre pied dans son environnement, nous évoquait le sociologue Michael Dandrieux.

Faire savoir, faire valoir
Parallèlement, 2018 a confirmé le phénomène des applications, qui s’apposent aux garanties traditionnelles orchestrées par les labels.
Dans l’alimentation d’abord – où un français sur cinq détient désormais un moyen de notation nutritionnelle– les nouveaux « badges de vertus » font leur succès sur la distinction du vrai du faux coté détox comme Yuka, plus de 8 millions d’utilisateurs, Scan’Up ou Openfoodfacts, nouvelle base de données et caution scientifique sur la transparence.
Sur la scène « beauté », après Cosmethics et ThinkDirty, la startup Litica Labs est même allée un cran plus loin dans la transparence avec Beautylitic, une plateforme capable d’analyser scientifiquement le catalogue complet des ingrédients – et signaler la présence de perturbateurs endocriniens, allergènes ou nanomatériaux. Une démarche qui a muri avec la particularité de l’absence réglementaire totale sur les cosmétiques aux Etats-Unis.

Avec le même élan, le sujet s’apprête à investir le prêt-à-porter. Jusqu’ici drivé par les labels – GOTS et OEKO TEX en tête – les nouveaux entrants Clothparency et Fairymade sont les incarnations de cette expansion du savoir d’achat dans les industries créatives. Nouveaux éléments d’une mode « perturbatrice et durable » selon le dernier rendez-vous REMODE de Los Angeles.
Premiers résultats outre-Atlantique : la naissance de Mind The Store aux Etats-Unis, une association de consommateurs qui note les retailers en fonction des actions mises en place en vue de protéger le consommateur.
En France, Monoprix révise aussi plus d’un quart de ses marques propres beauté et alimentaire dans le but de chasser les additifs. Et les acteurs du secteur lancent collaborations ou plateformes de transparence propriétaires dans le but de maîtriser les critères d’évaluation ayant un impact sur l‘image et les ventes.
Pouvons-nous concevoir un monde où la notation, le score, le rating deviendrait un réflexe exigé ?
La blockchain transformera la façon dont la société s’accorde, fait confiance et transige
A cela il faut ajouter le potentiel de la technologie blockchain, véhicule de la transition à venir sur la confiance. Si son marché a été estimé par Market Watch à 20,3 milliards d’ici à 2025 (+370% en 7 ans), il signe le début de nouveaux codes, pour et par les consommateurs. Notamment par la formation de marchés entièrement accordés et réglementés.
Alors qu’en 2017, les métiers de la création trouvaient des applications pratiques liées à la protection de la propriété intellectuelle, 2018 a d’ores et déjà fait figure de cap, qui a permis d’imaginer d’autres types d’informations pour les acteurs qui veulent répondre à cette quête de transparence. Notamment en imaginant, comme le propose Provenance à disposition des marques, un avenir où chaque produit physique possède une histoire numérique, nous permettant de tracer ses origines, ses attributs et son impact. Une vague 3.0 reprise par d’autres écosystèmes comme Consensys.

En ce sens, 2019 pourrait bien être l’année où cette synergie se manifestera, plus concrètement, sous forme d’Apps révolutionnaires. L’idée : avoir le sentiment que les produits qu’on rencontre sont ce qu’ils représentent.
Le sujet sera repris par le festival South by SouthWest au printemps 2019.
Crédit de couverture © Clean Beauty