Lire

Nous contacter
Plastic Rain by Andrés Reisinger
Timothée Richard 15.12.20

Résilience

Décryptages

Alors que les angoisses sociales abondent côté consommateurs luttant pour suivre des approches rapides et exigeantes, l’esprit de résilience émerge comme un élan plus mesuré.

Définie comme la capacité d’adaptation après des revers et des événements difficiles de la vie, la résilience est un mode de vie qui se focalise sur les capacités de résistance dans un monde de perturbations, plutôt que sur les performances à court terme.

Au-delà du schéma de régénération qu’elle induit, elle se caractérise dans les faits par un mouvement fondamental des consommateurs pour vivre et respirer des idées nouvelles.

It’s OK not to be OK

A l’ère du storytelling, la tendance sur la représentation de la défaite s’inscrit dans le mouvement plus large autour de la disparition de tous les tabous. On parle de tout, sans emphases. Dans ce nouveau contexte, les erreurs sont appréhendées comme des expériences salvatrices pour inspirer, partager, et créer des contenus authentiques, sincères et relativistes avec son audience.

Quand France Culture consacre une émission podcast hebdomadaire – « Superfail » – sur l’erreur, l’échec et la catastrophe qui mêle le destin d’entreprises et de personnalités, c’est la série Netflix « Losers » qui s’intéresse aux athlètes qui ont transformé leur défaite cuisante en triomphe humain. Une première.

Et au japon, alors que le pays est réputé « emotionless », la culture du naku (« des pleurs ») prend aussi de l’ampleur. Elle est vécue comme un moment d’adhérence, représentée dans les mini séries Dorama, ou dans le phénomène plus large des « crying rooms » qui laisse une place plus large à la mélancolie et l’expression des sentiments à Tokyo.

D’autres initiatives sont allées dans ce sens récemment et témoignent de ce rapport nouveau à ce qui n’est pas réussite, comme les Musées du Fail à Los Angeles et à Helsingborg (Suède) qui révèlent les innovations qui n’ont pas marché (80% des projets d’innovations). En France, David Ringrave a lancé les Re.start Awards, visant à distinguer les profils qui ont su rebondir.

Et les prises de parole comme celle des philosophes Charles Pépin, « les vertus de l’échec », et Claire Marin à propos de « Rupture(s) » sur le monde amoureux, mettent aussi en valeur le « degré zéro » et l’effet régénérant de ces failles vécues de manière (re)constructives.

Charles Pépin : Les vertus de l’échec © Welcome to the jungle

Santé mentale : nouvelle compréhension, nouvelles thérapies

A cela il faut ajouter la nouvelle compréhension dont fait l’objet la santé mentale dans les sociétés occidentales, en lien avec la recrudescence des angoisses sociales (+ 18,4% au niveau mondial entre 2005 et 2015 selon l’OMS).

Au Royaume-Uni, un jeune sur trois souffre de troubles mentaux (dépression, crises d’angoisses, incapacité à se concentrer) selon une étude d’Action for Children. Aux États-Unis, c’est un adulte sur cinq qui vit avec une maladie mentale.

Si l’image clinique de l’industrie thérapeutique et son aversion pour le changement ont longtemps été un obstacle pour faire bouger les lignes, des nouveaux entrants se mobilisent pour rendre l’expérience de la thérapie plus accessible.

A l’image de The Difference qui apporte une solution personnalisée en ligne par le biais d’Alexa : les abonnés au service peuvent demander une session de thérapie en partageant un code PIN personnel avec leur enceinte et sont ensuite connectés à un thérapeute en moins de 30 minutes, qui les appelle sur leur téléphone portable. Quant à Two Chairs, elle est une nouvelle chaîne américaine de cliniques inclusives qui vise à répondre à ces difficultés sous forme plus traditionnelle de talks, en groupe ou individuellement. Une posture qui dépasse largement le cadre des cabinets puisque les espaces dédiés au spa s’y mettent aussi à l’image de The Clean Market à New York qui combine les dernières tendances sur la résilience tel que la cryothérapie.

© Two Chairs, USA

Et le regard change aussi sur la capacité de la technologie à être partie prenante de cette course à la résilience. Alors que le National Health Service (UK) et les compagnies d’assurances cherchent à créer un impact plus répété et durable avec leurs patients, la résilience est mise en avant dans nombre d’applications évolutives.

C’est le cas de la plateforme eQuoo, un jeu de remise en forme émotionnelle qui utilise le savoir-faire de l’industrie du jeu vidéo pour envelopper les freins à la généralisation – tendance majeure dans la dépression – dans un jeu amusant destiné aux plus jeunes.

Silja Litvin : Fondatrice d’eQuoo, le jeu émotionnel

Mais aussi, comme soulevé récemment dans le New York Times, du thérapeute robotique Woebot, un thérapeute sous forme de chatbot.

Ginger au UK est venu confirmer cette tendance plus large encore de service mental en ligne. Un parti pris qui pourrait décupler l’accessibilité – à toute personne ayant un accès au web – de la thérapie, dans un contexte où seulement 35% ont accès à une thérapie mentale dans les pays Occidentaux.

Ginger

A plus long terme, élargir le rapport au bien-être

Auprès des marques, la dynamique thérapeutique est similaire et représente un réel shift en termes de positionnement. Il est tel que le couturier néerlandais Schueller de Waal à la fashion week parisienne en octobre 2018 a marqué les esprits en présentant à la place d’une nouvelle collection, le projet « Fashion as Hypnosis Therapy », un centre de bien-être avec des massages et un film d’hypnothérapie, présenté au Palais de Tokyo.

Fashion as Hypnosis Therapy : Schueller de Waal (2018)

Autre preuve que le sujet déborde de vigueur dans les industries créatives, Tuxe – l’une des marques préférées de Meghan Markle -, offre désormais des séances gratuites de coaching dans le but d’aider ses clients à appréhender leur vie avec plus de résilience. Avec chaque achat, les clients ont accès à l’une des 10 sessions proposées sur des sujets aussi divers que la façon de faire face aux échecs à la façon de fixer des objectifs de vie. Et la chaîne de grande distribution Lidl a organisé l’année dernière une série de pop-ups en Irlande pour encourager les jeunes à parler ouvertement de leurs troubles psychologiques.

Plus loin, les organisations sont en route pour gérer la santé mentale et le bien-être de manière proactive. Un intérêt qui va de pair avec celui du consommateur d’organiser sa qualité de vie à travers un équilibre entre safe spaces et expériences stimulantes.

Dans cette idée, l’American Medical Association demande d’ores et déjà aux médecins de prescrire des jeux gratuits pour les troubles d’anxiété, et l’idée est reprise sur la culture par les médecins francophones du Canada (MdFC) qui privilégient la prescription de visites gratuites au musée des Beaux-Arts de Montréal. Qui contribuent au rétablissement des patients par une expérience relaxante et revitalisante.

Dans cette idée, le workplace aussi devient une clinique de bien-être d’avant plan. Premiers soins en santé mentale, désintoxication numérique, démocratisation de la pleine conscience et de la musicothérapie… selon des chercheurs de la Gillings School of Public Health, les résultats de l’enquête sur la santé en milieu de travail en Amérique (WHA) montrent que 46,1% des lieux de travail du pays offrent un programme de bien-être, tandis que 17% des lieux de travail comptant 50 employés ou plus proposent des programmes complets de promotion de la santé. Ainsi, et dans la nécessité d’adaptation à une réalité en mutation, l’avenir s’écrit avec cette diversification des revêtements protecteurs.

Image de couverture / Plastic Rain by Andrés Reisinger

Plus d'actualités