
Social Media Wellbeing
DécryptagesAlors qu’une cohorte de consommateurs est plus réaliste sur la culture social media, les principales plateformes se réinventent au prisme d’une autre géographie du bien-être.
Avec près de 3,4 milliards d’utilisateurs – 2,4 Mds chez Facebook, 1 Mds chez WeChat –, soit 39% de la population mondiale, les années 2010 portent indéniablement la marque du média social.
Dans les imaginaires des consommateurs, il est devenu le symbole de la mouvance horizontale, challengeant de manière inédite les carcans de la modernité. Côté marques, il a symbolisé un nouveau degré de proximité, comme l’ascension de l’émotionnalité dans les stratégies d’adhérence.
Une réaction en marche
Toutefois, plusieurs évènements ont récemment montré des signes de rupture avec cette omniprésence dans les usages.
Début 2018, une publication Origin annonçait que les réseaux sociaux naviguaient en eau trouble auprès des plus jeunes : 34% de la génération Z quittant les réseaux sociaux de façon permanente, 35% déclarant qu’il y a trop de négativité et 29% déclarant plus généralement que le social media participe à déchirer l’estime de soi.
Dans la presse, de la même manière, des tribunes comme « Social Media Is Broken » dans le New-York Times, ont contribué à attirer un autre degré d’attention sur le sujet, faisant notamment échos à l’opinion « Antisocial Media » développée par une vague d’experts en sociologie cognitive.

Du côté des utilisateurs, une petite révolution est aussi en train d’être franchie. Les procès se sont multipliés à l’encontre des plateformes au sujet de la vente des données, comme l’a montré cet automne le procès de Misty Hong, un étudiant de Palo Alto, à l’encontre de Bytance, la maison mère de TikTok, sur fond de droit à la vie privée. Mais aussi des revendications plus collectives qui visent la complexité nouvelle qui a conquis des réseaux comme Snapchat, reniant la simplicité d’utilisation qui était à la base de l’identité du social media.
Sur Instagram, cette remise en question se fait aussi au prisme de l’esthétisme véhiculé. Depuis novembre 2018, le hashtag #basic a été utilisé sur plus de 4,5 millions d’images pour signaler quelque chose sursaturé ou ordinaire. Et dans la lignée du terme « AirSpace », inventé par l’écrivain Kyle Chayka pour parler d’une esthétique anesthésiée véhiculée par les plateformes, plusieurs comptes se forment pour faire l’état du fake sur la plateforme.
D’un côté des comptes « Finstas » – contraction de fake et instagram – comme Celeb Face (1,3 millions de followers) sous-titré « WELCOME TO REALITY » ou Insta Repeat (357 000 followers) sont en plein essor.
De l’autre, et bien que le phénomène soit moins visible auprès du grand public, pléthore d’artistes digitaux se manifestent à l’instar de John Rankin Waddell, critiquant « l’âge du visage instagram », ou Francesco Vullo, se focalisant par sa série « The Son of The Web » sur les impacts de ces supports sur la santé mentale des utilisateurs.

From Social to Slow Media
Fort de ces constats, le « Futur of Social Media » se polarise autour depropositions plus #slow et bienveillantes que par le passé.
Si le propos de YouTube « Take a Break », comme la double initiative « Online Wellbeing » de Facebook – pour favoriser l’équilibre d’utilisation – étaient trop léger pour faire entrer le secteur dans une nouvelle ère, des lignes plus radicales sont en passe d’être franchies.
Le 15 mai 2018, pour la première fois, Facebook a publié des chiffres révélant une meilleure prise en compte des messages de haine et de violence – 2,5 millions de discours et violences graphiques supprimés – et un an plus tard, Instagram, réagissant au phénomène « Snapchat Dysmorphia » a annoncé vouloir supprimer « tous les filtres associés à la chirurgie esthétique » (Plastica et Fix Me en tête) et réévaluer ses politiques en matière de bien-être.
Parallèlement, et c’est un changement plus profond encore, la culture du like est en train de se réinventer. Le Canada a adopté la suppression de sa visibilité au début de l’année, et bien que l’initiative ait pu paraitre brutale au départ, elle va dans le sens d’une réduction de la concurrence entre influenceurs, médias et marques pour réinvestir la pertinence des contenus.

De l’intérieur, des mouvements sociaux positifs comme #ThisGirlCan et #StrongNotSkinny aident aussi à insuffler de nouvelles énergies positives. Avec plus de 10 millions de publications combinées sur Instagram, ces hashtags créent de nouveaux modes de vie, et prennent en compte la plus large redimension culturelle autour du #bodypositive (11 millions de publications), comme la propension de chacun à sortir des normes, culturelles et visuelles.
Soutenue par des personnalités créatives comme Elizabeth Power, la fondatrice de l’agence de design MTArt, Marine Tanguy s’est aussi lancée dans une page, Visual Diet, qui se donne pour objectif deramener un niveau d’éducation esthétique plus fort sur le réseau et pourrait en inspirer d’autres à faire de même.

A l’opposé de l’article moqueur du New Times « The Existential Void of the Pop-up Experience » au sujet des musées instagram américains qui ont fleuri ces dernières années, la société semble revenir à ce qui fait « réel », y compris online.
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Tandis que la maturité des comportements progresse – 54% des internautes sont plus vigilants sur les réseaux sociaux qu’auparavant selon Hootsuit – cette dynamique relationnelle comprend, à l’échelle des médias sociaux, que les utilisateurs ont besoin d’un temps immuable pour apprendre, s’informer, se lier, désirer et développer des interactions significatives.
Image à la Une : Love Your Selfie – Jessica Walsh