Lire

Nous contacter
Timothée Richard 15.12.20

The Feminist Internet

Décryptages

La culture internet est désormais considérée comme une question de société. Alors qu’émergent au plus grand nombre ses inégalités de structure, plusieurs acteurs proposent d’y intégrer une vision plus équilibrée.

Internet est censé être la place publique par excellence, un espace pour apprendre, parler, penser et partager. Cette perspective, Tim Berners-Lee, l’inventeur du Web, a annoncé publiquement en mars qu’elle était remise en question : « Malgré tous les avantages que nous avons obtenus, il est devenu un moteur de divisions. ».

Les prises de paroles et revendications qui vont dans le même sens ont été plus que visibles ces dernières années et pour beaucoup, il est temps désormais de passer à l’action pour changer la perspective globale d’internet. Au menu : plus de principes féministes comme l’open source, la possibilité de l’anonymat, la décentralisation de la structure des applications, ou encore le consentement sur les données privées.

Regards féministes sur le numérique

Fin 2016, Cathy O’Neil, ancienne membre de Wall Street, publiait « Weapons of Math Destruction » et soulevait pour la première fois le biais cognitif que représentait la data dans l’espace numérique : « une force omniprésente dans la société qui menace de déchirer la justice sociale ». Le livre avait fait beaucoup de bruit aux Etats-Unis, et la question du pouvoir – qui l’a, qui ne l’a pas – au sein du web atteignait un premier sommet.

Trois ans plus tard, dans une étude qui s’appuie sur 288 000 tweets, l’ONG Amnesty International constate que Twitter est un espace où le racisme, la misogynie et l’homophobie sont largement relayés. Rappelant au plus grand nombre que les réseaux sociaux ont participé à accentuer les inégalités et la violence en ligne.

Et la question de la voix féminine des supports de conversation – Siri, Alexa, Google Home – s’ajoute au sentiment général que la tech est largement pensée de manière masculine. Les chiffres de la représentation dans le secteur le confirment : dans son étude « Women in Technology Leadership 2019 », la Silicon Valley Bank conclut que 40% des sociétés de tech américaines, britanniques, canadiennes et chinoises, n’ont aucune femme à leur conseil d’administration.

Et le constat concerne les autres échelles de l’entreprise : alors que les femmes représentent 48% des salariés tous secteurs confondus, elles ne représentent que 28% des salariés dans le numérique et 16% des salariés dans la Tech (dans les métiers comme développeurs, data scientists, etc.), selon le cabinet de recrutement Urban Linker.

Vers une économie digitale plus engagée

Cinq ans après les premières rencontres « Imagine a Feminist Internet », qui ont vu naitre les 17 « principes féministes d’Internet », le propos articulé autour de l’accès, la gouvernance, la confidentialité des données ou encore l’anonymat a largement inspiré Code 2019, le sommet annuel américain sur l’internet.

Alors que Nicole Wong, ancienne directrice adjointe à la tech à la maison blanche, a répété à plusieurs reprises que le problème des GAFA*AH n’est pas tellement celui de la taille mais de leur gouvernance, les anciens de Facebook – Antonio Garcia Martinez – et Google – Jessica Powell – en ont profité pour affirmer qu’un vent nouveau de régulation était à venir.

Dans le même laps de temps, les initiatives individuelles et collectives se multiplient pour faire entendre ces questions peu écoutées. Parmi les communautés les plus actives dans ces revendications, Feminist Internet crée l’émulation autour des dilemmes éthiques sur le web et se transforme en structure de conseil auprès des marques avec deux grandes idées : mettre en avant la créativité – plutôt que de dynamique de diffusion de la création – et évangéliser sur les moyens de décentralisation du pouvoir.

La trajectoire est imitée par des projets de publications dans le MIT Press avec « Data Feminism », militant pour un nouveau contrat social autour de la data – plus neutre – et en Corée du Sud par l’organisation de gaming féministe Famerz, qui veut lutter contre la misogynie dans le numérique.

A échelle différente, le mouvement se retrouve aussi dans la perspective « Recode », partant du principe que si le code est une question de pouvoir, le féminisme puisse nous aider à comprendre comment il peut être repensé.

On retrouve dans cette démarche les organisations prenant la forme de réseaux (Girls in Tech, Girls Who Code, Duchess France, Paris Pionnières …) suivi par les formations 100% féminines. Après la Wild Code School, Rocket School et Simplon viennent de faire de la représentation une question de création de valeur.

Ailleurs, le réseau Omidyar se fait le médiateur de la progression des messageries cryptées – à l’image de Whatsapp et Signal – et d’autres avancées sont en train de naitre dans le monde de l’entreprise à l’image du PDG de Salesforce, Marc Benioff, qui vient d’embaucher un responsable de l’usage éthique.

Du côté des modèles commerciaux, et alors que l’open source est au cœur des principes de l’internet féministe, l’holochain pourrait être la prochaine révolution. Une structure sur laquelle se fonde d’ores et déjà Holo, première plateforme d’hébergement d’applications à la fois modulaires et décentralisées.

WordPress » Erreur

Il y a eu une erreur critique sur ce site.

En apprendre plus sur le débogage de WordPress.