La voiture du futur carbure à la nostalgie
DécryptagesAlors que les centres urbains diabolisent – à raison – de plus en plus les moteurs thermiques via des zones à faibles émissions, que les leaders allemands se font distancer par leurs concurrents chinois et que Michelin prévoit la fermeture de 2 usines, un regain d’intérêt pour la voiture s’enracine autour de l’esthétique vintage. Vincent Grégoire, Directeur Consumer Trends et Insights de NellyRodi, nous parle de cette « newstalgie » qui célèbre les voitures mythiques tout en les adaptant aux contraintes et aux aspirations de demain.
Une industrie en crise, mais une mémoire collective intacte
Malgré une modernisation accélérée pour répondre aux enjeux environnementaux, la nostalgie de l’âge d’or automobile – des années 1950-1970 – persiste : elle reste symbole de liberté.
Loin des codes sobres actuels (qui nous poussent à hésiter tout un mois entre une carrosserie gris anthracite ou noire), ces destriers métalliques aux designs iconiques incarnaient un monde de possibilités désinvoltes, où, entre boire et conduire (sans ceinture), il ne fallait pas choisir. Produits en petite série (et donc rares !), ils étaient colorés, personnalisés, et étaient une véritable extension de nous et de nos vies. La voiture occupait un rôle central dans les familles et a marqué l’enfance de beaucoup, installé.es plus ou moins sagement sur la banquette arrière pour des virées à la plage, se rendre aux repas de famille, ou aller à la messe.
Une enfance de moins en moins partagée par les nouveaux.elles occupant.es de la planète, la faute aux chocs pétroliers, aux guerres, aux matières fossiles de plus en plus rares, aux prix que ne cessent d’augmenter – et aux préoccupations environnementales.
Et si la voiture électrique semble incarner le futur, elle n’est pas totalement exempte de critiques. Perçue comme « politiquement correcte », elle ne suscite pas toujours le même engouement que les voitures d’antan – et est au contraire plutôt sujette aux moqueries dues à son design cubique et à son impersonnalité débordante.
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Pour soulager ce cocktail de mélancholie et de culpabilité, de nombreux constructeurs réinterprètent leurs modèles mythiques en version électrique. Renault relance la R5 et l’Alpine – modèles emblématiques des années 70, tandis que la Twingo fait son retour ‘néo-rétro’ en version électrifiée en 2024. De quoi combler les boomers, X et millenials nostalgiques, ravis de retrouver les voitures qui ont marqué leur jeunesse, et la nouvelle génération qui se confronte IRL aux modèles ‘imaginaires’ qu’ils ont fantasmé dans les films et les séries.
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L’engouement actuel pour la voiture se ressent également dans l’explosion d’intérêt pour les miniatures et pour la course automobile, en témoigne le GP Explorer organisé par Squeezie qui a battu le record Twitch Français avec 1,16 million de connexions simultanées lors de sa deuxième édition. Même des événements prestigieux comme le Grand Prix de Monaco s’adaptent, mettant à l’honneur des courses de véhicules électriques tout en conservant une imagerie liée à l’histoire de l’automobile.
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La « newstalgie » automobile n’est pas un simple regard en arrière. Elle témoigne d’une quête d’identité (pour ne pas dire crise identitaire) dans un monde standardisé, soumis au dérèglement climatique et aux contraintes sociétales. Alors que la voiture sans chauffeur s’impose comme le véritable véhicule du futur (bien loin du taxi volant dont nous avons tant rêvé), l’attachement aux modèles d’antan reflète une envie d’honorer une époque où tout semblait possible – une prospérité, marquée par l’insouciance, la vitesse et l’évasion.