Les nouveaux enjeux de l’écosystème mode
InterviewsA l’occasion de la Paris Fashion Week, Marie Dupin, directrice de l’axe Mode chez NellyRodi, met en lumière la vision de l’agence sur le secteur.
A l’occasion de la Paris Fashion Week, Marie Dupin, directrice de l’axe Mode chez NellyRodi, met en lumière la vision de l’agence sur le secteur. Un état des lieux dont les codes sont régénérés par 4 nouvelles zones de rupture : la fragmentation des acteurs, les nouvelles attentes des consommateurs, les modalités de l’innovation qui entourent les marques et l’émergence d’une consommation responsable.
A l’aube des années 2020, quels sont les signes avant-coureurs d’une (ré)génération ?
Le secteur est en pleine mutation et vit une situation assez paradoxale. D’un côté on répète que le secteur souffre, notamment au regard de l’évolution des ventes du retail traditionnel français et la disparition de certains acteurs et de l’autre il y a une réalité plus pragmatique : certains acteurs marques ou distributeurs continuent leur ascension fulgurante.
Au milieu de ce constat, on observe de nouvelles typologies d’acteurs qui émergent ou s’imposent sur le marché : les online retailers qui ont pris le pouvoir (ASOS, Amazon, …) de manière significative, la croissance exponentielle des DNVB (44% sur la seule année 2018), mais aussi de nouveaux business models émergents basés sur de la data ou sur une communauté de followers. Les règles du jeu ont changé et les recettes qui ont fait la désirabilité et succès des marques il y a encore 5 ans ne fonctionnent plus.
Un autre fait marquant qu’on a pu observer à l’agence, c’est la multiplication des prestataires autour des marques. Les directeurs de création sont plus épaulés que jamais, et les services de pointe sont en pleine expansion (IA, analyse de data, gestion des stocks, expérience en magasin …) redessinant d’autant l’écosystème et sa collaboration, son ouverture auprès des autres univers.
Ces deux phénomènes là, liés à un contexte économique compliqué, créent la nécessité pour le secteur non plus de changer à la marge, mais de se réinventer en profondeur.
Quelles sont les nouvelles attentes consommateurs ?
Le consommateur gravite aujourd’hui autour de 3 valeurs fondamentales : l’Engagement, l’Agilité et l’Inclusivité.
#Engagement
Plus averti que jamais, il attend de comprendre la chaîne de valeur de l’industrie et veut être associé à quelque chose qui est socialement et écologiquement responsable. Ce qui n’allait pas de soi avant mais qu’on peut dans les faits lier à l’évènement du Rana Plaza, et de façon plus forte encore aux chiffres alarmants autour de la pollution de l’industrie. Désormais, chacun attend des marques qu’elles soient sans filtre et aient des partis-pris forts en accord avec les urgences du moment : sociales ou environnementales.
#Agilité
Le consommateur a « pris le pouvoir », comme on aime à le répéter, ce qui doit se traduire par son intégration dans le processus créatif. Il veut tout, toujours plus vite en (ré)action à ce qu’il voit en défilé et sur les réseaux sociaux, et dont l’impatience est peut-être l’attitude la mieux partagée. On parle aussi de facilitation des démarches qui devient un acquis pour les consommateurs et qui s’incarne dans de nouveaux modes de vie « adaptables », comme l’essor de la seconde main en témoigne. La « Consumer-centricity » est maintenant un pré-requis.
#Inclusivité
Un des mots forts de la Fashion Week. Avec des exemples comme le défilé Etam, qui pour la première fois à fait apparaitre différentes typologies de corps, mais aussi les messages affichés des grandes maisons comme Marc Jacobs. La mode est le nouvel étendard de cette inclusivité universelle– en termes d’âge, de genre, de morphologie, de religion – et est en train de se (re)connecter de manière plus authentique à ses clients.
Nous sommes au début de l’IA, de la data analyse, et de la lecture massive des données. Quel est ton regard sur l’innovation au service du secteur ?
Le biais « innovation » est précisément celui qui va obliger les entreprises à se (ré)inventer. Sortir de leurs zones de confort. Et prendre plus de risques pour gagner des parts de marché. Ce qui est important de souligner, c’est que le temps où elle était le pré-carré d’un Directeur de l’Innovation ou du Digital est révolu. Aujourd’hui, elle doit être infusée partout, de façon transversale, et concerner toutes les étapes de la chaîne de valeur.
Cette transformation dans la manière de penser l’innovation est donc une donnée qui concerne à la fois la conception des produits, mais aussi les étapes de fabrication (en intégrant dans ses process des fournisseurs plus engagés et des matières éco-responsables) de communication et de distribution (comment réinventer son magasin à l’heure du tout digital). Par exemple, la fashion tech n’est pas l’apanage de l’innovation textile mais une réalité plus large qui concerne l’ensemble de chaîne de valeur, d’un Chef de Produit au directeur Reseau en passant évidemment par les CEO.
Quels sont les leviers prospectifs clés pour continuer à créer de la désirabilité ?
Les marques doivent d’abord mieux acheter avant de mieux vendre. Le grand enjeu du moment c’est être proactif et innovant sur la manière de construire les collections. Il y a de plus en plus de choses à intégrer et cadrer en amont : les drops, les capsules, les petites séries afin de créer de la nouveauté et du renouvellement mais aussi de nouvelles façons d’intégrer l’Economie Circulaire. En jouant sur la réduction des coûts de gaspillage dans le sourcing des matières, de stocks et de produits finis. Une démarche drivée par les nouveaux outils d’agilité, et d’anticipation qui à terme inclura la logique d’upcycling, comme celle de la seconde main, autant dans les espaces de retail que de vente en ligne.
Un autre levier qu’on ne cesse de faire coïncider avec notre message, c’est l’Horizontalité. Pas seulement en considérant le message des entreprises vis-à-vis de leur clientèle mais dans la façon de penser leur organisation. Il faut être conscient de la nécessité de casser les silos et avoir une vraie réflexion sur l’identité du schéma conversationnel à adopter au sein des marques.
Pour aller plus loin, notre étude exclusive (RE)THINK FASHION