Plus Green, plus créative : la 3D secoue la mode

Steven Passaro est un jeune créateur de vêtements pour hommes. Sa particularité ? L’utilisation de la 3D dans la conception de ses collections. Comment, pour quoi faire ? Il répond à toutes nos questions. 

Bonjour, pouvez-vous nous parler de vous et de votre marque Steven Passaro ?

J’ai lancé ma marque éponyme il y a 2 ans à Paris, juste après le confinement. Avant ça, j’ai réalisé un master en Men’s Wear au London College of Fashion, durant lequel j’ai croisé des outils traditionnels avec d’autres plus numériques, et en particulier la 3D.

Ma marque est entrée au calendrier officiel de la Fashion Week de Paris en janvier 2022. Je présente entre 20 et 25 silhouettes par saison, soit 60-70 pièces, quasi toutes développées en 3D sur le logiciel CLO3D ! En plus d’imaginer et de concevoir ces collections, je fais du consulting pour les marques qui souhaitent introduire cette technique dans leur processus de création.

Vous êtes justement connu pour votre utilisation de la 3D. Est-ce-que vous pouvez nous expliquer plus précisément comment vous l’utilisez et pourquoi ?

Ces technologies permettent d’économiser les matières et d’être plus rapide dans le processus de développement produits. On peut faire énormément de choses avec la 3D : chaine et trame, pièces à manches, coupe à plat… Les vestes tailleurs demandent une précision que la 3D ne permet pas encore tout à fait, et je continue à travailler les flous de manière plus traditionnelle, parce que ça reste l’option la plus rapide. À quelques exceptions près, c’est très pratique !

Comment voyez-vous l’évolution de la 3D pour la mode ? Est-ce-que cela va s’imposer dans toute l’industrie ? Quels obstacles va-t-il falloir surmonter pour que cela se développe ? 

L’utilisation de la 3D a explosé pendant le confinement. Les gens étaient bloqués chez eux, et sans leurs outils, ils ne pouvaient pas produire. Peu à peu, la 3D est venue remplacer le produit réel. Maintenant on peut réaliser des prototypes sans aucune dépense, c’est très économe – à tous les niveaux. 

J’ai réalisé une collection en collaboration avec un ami à Londres, et les pièces ont été achetées avant même d’être fabriquées. Ça change tout le processus commercial. J’ai aussi travaillé avec l’agence Yokai.ai, qui, à l’aide d’un algorithme, projette les vêtements modélisés en 3D sur la photo d’un mannequin pour avoir le rendu porté. Les premiers à avoir travaillé avec ce genre de technologies sont Adidas et Hugo Boss. A leur échelle, cela permet des millions d’économies chaque année. 

Comme les logiciels sont assez abordables, de nombreux jeunes créateurs s’y mettent. Mais bizarrement, le marché français est encore timide. Nous sommes assez réticents face à la nouveauté et au changement. Nous avons peur de perdre nos savoir-faire, et nous ne sommes pas suffisamment formés – le stylisme est plus valorisé que le modélisme dans les écoles françaises. Malgré cela, je pense que la 3D va finir par se démocratiser, même chez nous !

Et quand elle sera plus appliquée, qu’est-ce-que cela va changer ? 

Avec la logique actuelle -la loi AGEC, la récession, ou encore le manque de matières premières- c’est un outil qui pourra répondre aux grands enjeux environnementaux : produire moins de déchets, gâcher moins de matières… En plus d’être un gain de ressources, c’est un gain de temps et d’argent énorme, qui est primordial pour les entreprises. J’ai hâte de voir les calculs d’économies sur une année ! 

En plus de cela, la 3D permet une forte liberté de création. On peut essayer, se tromper, recommencer, et tout imaginer. C’est une manière de concevoir qui n’a pratiquement aucune limite, et qui ouvre à plein de nouvelles perspectives !