Wise City
DécryptagesLa Wise City – complément à la Smart City – s’illustre comme le penchant sage et réellement partagé de la ville.
Fondée sur trois piliers – la frugalité, la résilience et une conceptualisation de l’habitat qui mette l’humain au centre -, la Wise City, – complément à la Smart City – s’avance comme le penchant sage – « wise » en anglais – et réellement partagé de la ville.
Human Smart City
Alors que les perspectives les plus folles parlent de 80% de citadins en 2050 – 66% en 2030 -, un nouveau consensus d’épanouissement fait son chemin autour de la mixité, des pratiques de collaboration – nouvelle clé marketing – afin de commencer à transformer l’économie dégénérative du siècle dernier en une nouvelle économie, régénératrice et partagée.
Doit-on privilégier l’implosion à l’explosion des villes ?
C’est le parti pris de Renzo Piano. Créer du lien social autour des friches intérieures et les espaces inexploités pour se réapproprier le cœur battant des nouvelles métropoles. Foodentropie, Hasard Ludique, La Louve à Paris, Station Alexandre à Marseille, Bicycle7 à Montréal ou encore le programme Vibrants Laneways à Brisbane, chacun surf sur l’idée de remobilisation et de réinterprétation de l’existant. Volonté similaire à la tendance « wasterial » dans le design d’intérieur.
Parallèlement émerge un certain éclat pour les disciplines vertes – agriculture et revégétalisation urbaine, formation au jardinage –, il faut « cultiver les villes » dixit Merci Raymond où la notion de paysage devient une méthode d’appréciation de la ville. Chose confirmée par l’engouement autour du savoir-faire d’Emile Starvic, régulièrement interviewé pour son métier de « designer végétal ». Un design urbain « utile », pas seulement esthétique mais aussi comestible, ludique, rafraichissant, dépolluant, insonorisant…
Sur Instagram, des comptes comme Urban Jungle Blog (près de 800 000 abonnés) et des hashtags comme #plantsmakepeoplehappy ou #houseplants fidélisent aussi une large audience, signe de cette nouvelle connexion de l’urbain avec la nature.
Comme vécue de façon intense dans le Retail en 2018, l’hospitalité devient cette nouvelle force de synthèse dans les dispositifs urbains.
Repenser l’habitat
« Pression démographique, crise du logement abordable, fatigue de l’individualisme : et si le temps était venu de faire tomber les murs de nos habitats ? » titre la conférence Leonard, Laboratoire des villes Vinci dans le cadre de son festival « Building Beyond » en juin dernier. Un discours qui s’essaie avec un nouveau crédo : « Take, Make, Dispose », formule naissante qui se veut une réponse pragmatique aux nouveaux besoins sociétaux – services du quotidien, économies d’argent ou d’énergie, inclusivité.
Dans un environnement où se multiplient les prises de paroles sur les aspects délétères de la solitude, la désindividualisation des comportements touche progressivement les cadres de vie. Alors qu’en 2014 le nombre de célibataires (124 millions) a dépassé le nombre de gens mariés aux Etats-Unis – tendance qui tend à se vérifier dans les pays occidentaux – le co-living gagne diligemment du terrain. En témoigne le Wohnprojekt (2014) à Vienne, beaucoup médiatisé, et plus récemment les concepts de « Hackerspaces » – laboratoires ouverts – à disposition des entrepreneurs qui a inspiré la construction prochaine de 100 appartements partagés à la Station F.
Un concept repris par des cabinets de « wise architecture » comme Andersson Wise (Texas), Schneller Caminada Architect (Suisse), Wise Architecture ou HKL Studio (Japon) qui évoquent un design plus familier et une relation plus sensible au matériau et aux spécificités locales, géographiques et climatiques.
En France, Arkhenspaces se positionne avec une approche aussi subtile de l’ar(t)chitecture – entre art, technique et sociologie – mais plus pragmatique et plus proche des centres villes, pour répondre à cette situation démographique nouvelle, l’avancée du Global Aging, mais aussi un nouveau désir de fluidité, d’affects et de partage, plus enclin à la suppression des murs de la vie privée.
L’horizontalité au cœur du new relationnalisme
Le partage est devenu une norme et s’inscrit aujourd’hui dans les habitudes de consommation d’une population de plus en plus large. PwC estime d’ailleurs que le marché de l’économie collaborative devrait atteindre 335 milliards de dollars à l’horizon 2025. Et ce marché de masse devient un marché de multi niches interconnecté.
Si l’expérience – nouveau buzzword et nouvelle chose – cherche encore ses formes propres, la mise en relation de tous et de tout montre aussi l’attachement à un nouvel art de vivre – basé sur la collaboration et la réinterprétation du « smart » – qui s’éloigne de la vision d’un solutionisme purement technologique pour aller vers un sens plus large, axé sur la sagesse et l’émotion.
Dans ce contexte, créer les conditions à la fois de la sérendipité, c’est-à-dire de la surprise constante, et de l’altérité – nouvelle lubie de cette horizontalité – devient un impératif de désirabilité plus important encore que la personnalisation. Un espace qui sait laisser une place pour l’énigme – et où la notion de « bien-être » surpasse celle de « confort », car moins formatée.
Les sociologues parlent de « new relationalisme » où le « nous », le sensible et communautaire – version nouvelle du Temps des Tribus – prennent le pas sur la privacy. Phénomène qui s’inscrit dans le renforcement des pratiques du « co » autour d’un lifestyle global réfléchi, plutôt que de réflexes comportementaux.
En témoigne des projets expérimentaux autour du mode de travail, comme OpenStructures, qui s’inspire des méthodes de construction des softwares pour proposer un mode de construction « ad hocratique », entièrement modulaire et horizontal, où tout le monde design pour tout le monde.
Du coté des services de mobilité (MaaS), après la mode des « communautés d’expériences » cet état d’esprit est boosté par le nouveau niveau de confiance que propose la blockchain. Un élément qui a trouvé sa place dans le business model de Padam et La’Zooz (Israël) pour en faire un moyen d’aller plus loin dans l’ouverture, la décomplexion et le mélange des usagers.
Preuve qu’à la perspective « smart city », cette mise en relation de tous et de tout ouvre la porte à un processus créatif vernaculaire, divers et inclusif.
Image à la une : MUM Building – Kyung Roh