Bougies parfumées : entre nouvelle manne et quête de spiritualité
DécryptagesDepuis quelques années, la fonction du parfum est amenée à changer, touchant plus profondément à l’âme, à notre équilibre et à nos rapports aux autres qu’à une seule fonction cosmétique, une mutation que la crise de la Covid-19 semble accentuer.
Parfums et sacralisation de l’espace : un juste retour aux sources ?
Cette nouvelle fonction du parfum n’est en fait qu’un retour aux sources de ce qu’était le parfum au tout départ, lors des premières créations parfumées de l’humanité. Les historiens des parfums s’accordent en effet à dire que les trois grandes religions monothéistes ont, dès leur naissance, utilisé les odeurs pour définir le caractère sacré de leurs lieux de cultes. L’historienne Elisabeth de Feydeau affirme même que, dès le Néolithique, les hommes faisaient brûler bois et résine pour invoquer les dieux. La fumée exhalée devait alors « nourrir les dieux » pour mieux s’assurer leur faveur, phénomène que l’on retrouve plus tard dans les Antiquités grecques et latines. La perpétuation de ces traditions – on retrouve encore aujourd’hui myrrhe, benjoin et ambre dans les temples, les églises et les synagogues – n’a fait qu’ancrer davantage le parfum dans une dimension sacrée.
Le parfum sacralise les lieux, et permet dès lors de délimiter un espace clos conçu comme un refuge. Autrefois d’ordre religieux, il délimite désormais celui, plus prosaïque mais non moins essentiel, de la maison.
Du luxe au mass market, une opportunité pour les marques d’investir un nouveau secteur…
Le confinement a de fait vu exploser les ventes de parfums d’intérieur et de bougies parfumées, ce que confirme la marque Cire Trudon, dont les ventes de produits pour la maison ont progressé de 120% pendant les mois de mars, d’avril et mai. Plus que jamais, il paraissait nécessaire de sacraliser nos intérieurs, ces espaces où nous avons été contraints de passer plusieurs mois, et dont nous avons compris qu’il était important de s’y sentir bien.
Au même titre que Zara et Mango ont lancé des gammes de vêtements d’intérieur, le luxe s’est ainsi mis aux parfums d’intérieur. A la rentrée, la marque espagnole Loewe a annoncé l’arrivée de parfums d’intérieur et de bougies parfumées, dont les pots en terre cuite font référence au savoir-faire ibérique. La marque de cosmétiques premium Aesop a suivi, a avec une gamme de bougies parfumées aux noms évocateurs. Celles-ci reprennent les noms de savants antiques connus pour leur connaissance des astres, imaginaire chère à la marque australienne. Aesop comptant déjà une ligne de parfums pour la maison, la sortie de ces trois bougies n’a pas vraiment surpris, et ces nouveaux produits arrivent à point nommé alors que se finit l’été et que chacun regagne son intérieur. Les restrictions liées au confinement ne viendront pas non plus démentir ce besoin de faire de chez soi une « safe place », où les parfums revêtent une dimension rassurante.
Vers une consommation plus holistique, au-delà de la seule fonction cosmétique
Pour Ben Gorham, fondateur de Byredo, qui signe une ligne de 13 bougies pour IKEA : « Les odeurs sont partout même si nous ne pouvons pas les voir. Nous pensons rarement au rôle fort qu’elles jouent dans nos vies et les souvenirs qu’elles évoquent ». Disponibles dans tous les magasins IKEA le 1er novembre, cette nouvelle gamme démocratise d’une certaine manière une forme d’aromathérapie, où les odeurs reprennent une place centrale, au cœur de la maison.
L’aromacologie, qui a fait son grand retour dans les cosmétiques en écho aux rituels de bien-être ancestraux, semble ainsi prendre sa place dans les intérieurs. Les lignes entre cosmétiques et produits pour la maison se floutent, au profit d’une consommation plus holistique, où se faire du bien passe aussi par le temps passé chez soi, dans une bulle rassurante hors des agressions du quotidien. Du well-being au well-living, et face à ce constat, les marques semblent désormais comprendre l’importance de proposer des produits parfumés aux vertus ressourçantes, pour le corps et l’esprit.
Pour comprendre les enjeux actuels de consommation de la beauté et ceux de demain, rendez-vous sur notre étude (RE)Think Beauty II.