Lire

Nous contacter
Chloé Delecolle 10.06.24

Comment le beurre s’étale sur les réseaux sociaux

Interviews

Couleur pastel, formes rondes et texture fondante… Le beurre inspire les créatif.ves et les marques du monde entier. Vincent Grégoire – Directeur consumer trends et insights de NellyRodi – nous explique.

Qu’est-ce qu’il se passe avec le beurre en ce moment ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître… Le beurre fascine ! Plus qu’une simple lubie, il buzze. Les gens ont des envies de beurre.

De nombreuses marques reprennent son imaginaire : la douceur, le réconfort, la transgression et la gourmandise évoqués par une tartine généreusement beurrée… Mais elles sont issues d’industries qui n’ont rien à voir, comme ‘Butter Wellness’, une marque de sextoys et de lubrifiants ! Le beurre fait du bien et glisse – c’est indéniable.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Butter Wellness (@butter_wellness)

Quand je suis allé en Corée du Sud en décembre 2023, j’ai croisé des slogans imprimés sur des tshirts ‘tout beurre’ au milieu de marinières, ou des boules de noël trompe-l’œil plaquette de beurre. Dans un corner du flagship store Olive Young (le Séphora Coréen) on retrouvait un ensemble de produits bons pour le moral… Dont des pinots noirs ‘Bread and Butter’. Ils jouaient aussi sur la sonorité du mot ‘beurre’ avec des jeux de mots comme ‘have a butter day’ affichés en gigantesque dans les boutiques. On connaissait le faible des Sud-Coréen.nes et des Japonais.ses pour nommer leurs enseignes avec des mots français… Mais cette obsession pour le beurre, ça, c’est nouveau !

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par manière (@maniere.official)

On ne peut évidemment pas passer à côté de la couleur beurre frais que l’on a vue un peu partout, de GoodMoods en déco, à Vogue en beauté, en passant par Glamour pour la mode.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par GOODMOODS (@goodmoods)

Le beurre est tellement esthétisé qu’il en est devenu œuvre d’art éphémère. Sur Instagram, des artistes-foodies ont exploité le potentiel de cette matière malléable. Des sculptures de beurre ont envahi nos algorithmes : colonnes grecques, petits poissons, coquillages, mobilier … On a même vu des vraies bougies de beurre (pas vraiment comestibles – pour votre santé évitez de consommer du beurre brûlé). Il y a une telle scénarisation du beurre, que même dans les ateliers de céramique, les cours les plus prisés du moment sont ceux pour faire son propre beurrier.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Laura Jackson (@iamlaurajackson)

Et cela s’accompagne évidemment d’un regain d’intérêt pour le beurre comme produit d’exception. De nombreux.euses chef.fes ou producteur.ices le réinvestissent à la façon de nouveaux.elles « éditeur.ices » : All Things Butter fait du beurre bio, saveur salée, chili, ou encore ail et fines herbes, le tout avec une DA colorée et fun ; tandis que Maison Bordier a une approche plus traditionnelle et « transforme la matière première pour en faire une matière précieuse » (pour reprendre leurs mots).

Sur YouTube, Etienne Fourmont (121k abonné.es sur la plateforme) se surnomme même « youtubeurre » et donne une image positive de l’agriculture.

Il y a aussi des publications vraiment cools comme « Pur beurre, le guide du bien manger en Bretagne » qui partage les nouveaux.elles producteur.ices, magasins, restaurants de la région.

D’où vient cette fascination pour le beurre ?

Plusieurs raisons !

Déjà, je pense que c’est une réponse à un monde trop violent. C’est un peu naïf – lâche, même, peut-être – mais face aux images traumatisantes, à la montée des extrêmes, à la peur… Nous avons besoin de réconfort. Et comme je le disais plus tôt, tout l’imaginaire lié au beurre est inoffensif – jusqu’aux adorables couteaux ronds à tartiner.

D’ailleurs, on se rend compte que l’on a donné – à tort – des propriétés négatives au beurre, jugé trop gras pour la santé. Peu à peu, on s’est rendu compte d’à quel point le gras nous est bénéfique, et maintenant on fait la guerre au sucre (à juste titre cette fois).

L’autre raison qui, pour moi, explique cet engouement, c’est que le beurre incarne la ‘French Touch’. Déjà, il évoque les pâtisseries françaises, dont le succès mondial est indéniable. A New York il y a même des guides des meilleurs Kouign Amanns – c’est la 2ème ville (après Paris) qui a la plus grande diaspora bretonne… Ils cherchent sûrement à combler le mal du pays !

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par andrea sham (@andrea.sham)

Puis, 2024 est une année importante pour la France. On questionne notre identité et notre place dans le monde, entre les Jeux Olympiques, les élections européennes, la réouverture de Notre-Dame, la commémoration du débarquement en Normandie… On se rend compte de toutes nos ressources. On a un patrimoine régional très riche, et notamment en Normandie d’ailleurs… Terre sainte du beurre ! David Hockney y habite, la maison de Monet à Giverny est un lieu touristique français majeur, et Madonna a déclaré vouloir y emménager pour traire des vaches et faire son beurre maison.

En fait, le beurre c’est un peu le soft power français.

Le beurre évoque l’animal, ce n’est pas un produit très vegan-friendly… Est-ce que ce buzz ne va un peu à l’encontre des tendances food du moment ? 


Bizarrement – à part pour Madonna et ses vaches – je n’ai pas l’impression que ça évoque tant que ça l’animal.

On se concentre plutôt sur le beurre comme produit fini, avec une approche positive – oubliant qu’il est issu de la transformation du lait. On ne pense pas à la maltraitance animale comme pour la viande – alors que l’industrie laitière peut aussi être violente.

Au contraire toutes ces maisons d’édition de beurre se montrent très respectueuses du bien-être animal et prouvent qu’il faut prendre soin des vaches pour avoir un produit de qualité. Le beurre a cette image traditionnelle, authentique, avec un savoir-faire français et respectueux.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Maison Bordier (@maisonbordier_)

Où est-ce-que tout cela nous emmène ? Quelle est la prochaine étape ?

C’est une tendance de fond qui s’installe doucement.

Dans la food, on le réhabilite dans la cuisine traditionnelle et on l’intègre dans des concepts plus prémiums.

Mais le beurre va continuer de s’étendre aux autres industries. Notre nouveau cahier de tendances ‘Color Intelligence Printemps-Été 2026’ présente de nombreuses nuances de jaune beurre qui vont nourrir les industries créatives de demain.

Les marques de tous les secteurs vont s’approprier l’imaginaire du beurre et du gras sain. C’est déjà le cas dans la beauté avec la recherche du glow parfait, ou les crèmes à la texture satisfaisante qu’on prend plaisir à étaler et à faire pénétrer dans la peau. Quand on pense à la gourmandise du beurre, on imagine des jolies pommettes rebondies et toutes roses… Ce qui est au cœur des trends blush du moment.

Et puis, vraiment, je pense que de plus en plus de personnes vont s’installer en Normandie !

Plus d'actualités

Réconcilier création et responsabilité

En tant que B Corp, NellyRodi fait partie d'une communauté mondiale d'entreprises qui respecte des normes sociales et environnementales élevées.