Convactionisme : Agir pour se définir
DécryptagesDésaffection des jeunes des bureaux de vote, besoin de pragmatisme et de rapidité d’exécution, méfiance générale à l’égard des médias, la génération Y et Z adoptent de nouveaux comportements qui impactent leurs attentes vis-à-vis des marques.
Action, réaction, pro-action. Une évolution positive de l’activisme des marques
La mode dispose d’un pouvoir de communication sur les réseaux sociaux plus puissant que celui des partis politiques ou des associations. Elle fédère aussi de plus en plus des communautés aux mêmes centres d’intérêt. Les marques semblent dépasser la posture de « réaction » face aux invectives incontrôlables sur les réseaux sociaux qualifiées de « bashing », et passer à l’action dans la définition d’un monde meilleur.
Le néologisme « convactionisme » formalise cette nouvelle tendance qui pousse les marques à se définir une « personnalité politique » avec des engagements sociétaux propres à ses valeurs. Il fusionne le mot « convaincre » et « action ». Désormais toute conviction doit être visible par des engagements dans des causes environnementales et sociales pour prouver son authenticité. Sommes-nous à l’orée de l’ère du « convactionisme » ?
La mode se nourrit de revendications sociales
Au 18ème, la mode française se muait déjà au gré des mutations sociétales en s’ouvrant aux robes « à l’anglaise », symbole de l’attrait pour la démocratie. Dans les années 80, le ministre de la culture Jack Lang fait rentrer la mode dans les musées, l’érigeant en « art » à part entière.
Comme tout art, elle dénonce en grossissant les traits et influe sur l’opinion publique. Ressentant les signaux faibles, la mode amplifie les mouvances existantes et les formalise à travers ses produits et sa communication (défilés, publicités…). Qu’on parle du défilé de Dior prenant la forme d’une manifestation féministe affichant les citations de l’écrivaine Carla Lonzi, ou encore de Marine Serre avec sa collection « Marée Noire » dénonçant le dérèglement climatique ; tous racontent les symptômes de notre société « malade ».
Or, la mode est avant tout une industrie qui pour s’assurer un marché porteur doit répondre aux besoins des consommateurs. Produire une collection inclusive grandes tailles ? Essentiel lorsque le nombre de cas d’obésité a presque triplé depuis 1975 (OMS 2020). La mode se nourrit et amplifie les revendications sociales au gré des sujets débattus sur la place publique à des fins mercantiles.
La cancel culture accélère la prise de responsabilité et l’activisme des marques
Venu des Etats-Unis historiquement plus puritains et manichéens, la « cancel culture » se déverse outre-Atlantique depuis 2017. Cette « culture de l’effacement » exprime la viralité des dénonciations sur les réseaux sociaux aboutissant souvent au boycott avant même la validation juridique des accusations. Cette tendance engendre chez les marques de l’ultra-réaction face aux lanceurs d’alerte au rayonnement extra territorial.
En 2019, pendant les vagues de contestations sociales en France et aux Etats-Unis, de nombreux pillages affectent la mode. Les citoyens demandent à la mode d’agir sur les inégalités qu’elle prône en son sein par la notion même de distinction.
Il est impératif pour les marques d’adopter des éléments de langage autour de la diversité et de l’inclusion au risque de finir comme Victoria’s Secret, qui a mis fin à ses défilés fin novembre 2019 après s’être fait retoquée de sexiste et raciste.
A peine sorti du confinement, le mouvement #blacklivesmatter émerge sur la question raciale. La fondatrice de la marque inclusive Uoma Beauty invite les entreprises à déclarer le taux de personnes noires qu’elles emploient et à quels postes. Aujourd’hui, c’est à la campagne #freeouïghours – anti-esclavagisme des Ouïghours- de déstabiliser l’industrie grâce à l’influenceur et euro-député Raphaël Glucksmann qui encourage les consommateurs à faire pression sur les marques détractrices.
Plus que jamais, les marques doivent investir le champs politique selon leurs propres valeurs pour s’affirmer et se prémunir du bashing.
Une mode pro-active pour transformer la société
A l’image de leur engagement politique, moins porté sur l’identification à un parti que sur l’action quotidienne, les millenials exigent des marques du self-empowerment. Les marques se restructurent autour de nouveaux postes (chefs de la diversité, spécialiste traçabilité…) et de collaborations avec des consultants anthropologues et sociologues. Elles peuvent aussi créer des fonds solidaires comme Sézane avec Demain.
Certaines encouragent leurs employés à s’impliquer dans des associations grâce aux plateformes de mécénat de compétences comme Vendredi.
Plus mâtures encore, d’autres vont jusqu’à inciter leurs clients à s’engager auprès d’associations à l’image de Patagoniaoffrant sur son site une plateforme pour rentrer en contact avec des associations proches de chez soi.
La mode ne doit plus se contenter de communiquer sur une raison d’être et sur ses propres engagements, mais inciter les citoyens à agir. la mode aura-t-elle un rôle majeur en lieu et place des acteurs institutionnels traditionnels de la politique ?