Dating Forward
DécryptagesA l’heure du tout-visuel et de l’injonction au zapping, les « new places to love » se démarquent par une vision plus lente et cohérente de la rencontre.
91% des étudiants américains n’utilisent pas les applications de dating pour faire des « rencontres », mais se tournent vers elles quand ils s’ennuient (34%) ou ont besoin d’un regain d’ego (9%) selon une étude d’Abodo menée l’année dernière. Un constat confirmé au Royaume Uni par Yougov, où elles sont considérées comme le « pire » moyen de faire des rencontres malgré le fait que la moitié des 16–34 ans y prennent part.
En France, si une personne sur quatre s’est déjà inscrit sur un site ou une application de rencontre selon l’IFOP (deux fois plus qu’en 2006), beaucoup disent ne pas être parvenus à rencontrer quelqu’un en « vrai ». Et à l’échelle mondiale, les recherches effectuées par le Global Web Index montrent que la perception de Tinder comme « l’application de rencontres la plus superficielle de tous les temps » a d’ores et déjà une incidence sur son adoption chez les plus jeunes.
Une faille qui émerge en parallèle de l’avis des experts sur la transformation des modes de sociabilité et la fatigue qu’induit plus généralement le monde du dating : trop d’options, trop de sollicitations, laissant l’impression d’un supermarché où le consommateur est devenu incapable de faire la part des choses.
Une réaction en marche
Début 2018, le site de rencontre américain OKCupid a lancé sa campagne publicitaire, « Dating Deserve Better », qui aborde cette réflexion de manière ludique en tentant de faire passer le message : il faut trouver d’autres alternatives, plus qualitatives pour réintroduire un semblant d’idéal romantique en ligne.
Un constat qui résonne aussi dans l’enquête fleuve de The Atlantic « why are young people having so litlle sex ? » publiée en décembre 2018 pour expliquer la baisse du désir à l’œuvre dans un schéma de swipe infini.
Si l’application Bumble avait fait un premier pas dans ce sens en 2017 avec The Hive – un point de rencontre IRL à New York – pour contrevenir à la fatigue virtuelle exprimée par les consommateurs, d’autres solutions vont désormais plus loin dans la définition du « conscious dating ».
Parmi eux, Hinge. Une app qui veut sortir du « game-like » et du dating de masse avec moins de matchs, des connections activées par un système de like personnalisé et d’autres coups de pouce comme des « date ideas » innovantes avec pour objectif d’inciter à se tourner vers des relations plus significatives.
Avec cette idée plus frugale de la rencontre on retrouve Sapio, « a dating app with depth » qui permet de rencontrer des partenaires sur la base de leurs réponses à des questions ouvertes : l’utilisateur ne peut voir que les réponses à trois questions pour chaque profil, uniquement après y avoir répondu lui-même.
Et les démarches se diversifient plus largement autour des initiatives qui délaissent le « visual first » pour aller vers une connexion basée sur les centres d’intérêts. Un terrain sur lequel s’est lancé Meet Mindful – autour de la méditation -, Date-ercise – par le fitness -, ou encore Muzing qui propose des rencontres amoureuses au Musée.
Autre réaction massive au monde actuel du dating, Instagram – lui-même – est aussi en train de devenir une plateforme de dating où les gens peuvent se présenter plus en profondeur.
La possibilité a été saisie par des marques subtiles comme Helmut Lang l’année dernière, déployant une série de petites annonces amoureuses vintages pour sa pré-collection FW 18-19. Et d’autres véritables comptes de rencontres voient aussi le jour à l’image de Personals – fondé par Kelly Rakowski. Un compte qui a trouvé un certain public (56 000 abonnés) grâce, aussi, à son positionnement LGBT +.
Plus globalement le réseau social s’impose comme la plateforme de dating la plus cool. High Snobiety se fait l’intermédiaire de la vision séduisante d’« insta-as-dating-app » et tout le monde s’accorde à dire que ses fonctionnalités – stories, meme tagging, géolocalisation et Direct Messaging – constituent le must de toute application de rencontre réussie. La contextualisation et les récits de la vie courante en plus.
Dans ce sillage, l’offensive de Facebook dans le monde du dating par Facebook Dating, directement intégrée à l’interface, se distinguera drastiquement d’un Tinder 2.0 selon Wired. Elle s’inscrira dans une dynamique relationnelle post-croissante qui a compris que dans une société du zapping, les organismes ont toujours besoin du même temps pour se connaître, se lier, désirer et développer des sentiments.
Image de Couverture / Dating Deserves Better by Wieden & Kennedy for OKCupid