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Timothée Richard 16.12.20

L’avènement de l’architecture contemplative

Décryptages

Art de s’extraire de la vie quotidienne pour saisir la beauté du monde, la contemplation est de plus en plus exploitée en architecture.

Aux grands maux, les grands remèdes. Dans un contexte de saturation et de sollicitation constante, les lieux qui laissent la place au paysage et au décrochages visuels se multiplient. Le retrait devient nouveau principe d’extase et des constructions à l’esthétique minimaliste émergent aux quatre coins du globe.

Une poésie en plein essor

En Corée du Sud, l’architecte Kim Chan Jung s’est inspiré l’année dernière de la nature qui enveloppe l’île volcanique d’Ulleungdo pour créer Healing Stay Kosmos, un hôtel époustouflant, isolé et surplombant la mer. Le lieu remporte le prix du « meilleur nouvel hôtel » décerné par le Wallpaper magazine en janvier et le lieu fait d’ores et déjà référence dans le milieu sur la capacité de s’extraire qu’il propose aux touristes internationaux.

Au Vietnam, le « pont doré » (« Cau Vang »), inauguré au mois de juin, qui cumule à près de 1400 mètres de hauteur a aussi été conçu avec cette ambition : apporter une vue imprenable sur la baie de Ba Na et permettre au pays de développer sa stratégie de lieux émotionnels.

Cette approche effusive, qui remet au centre le désir de calme et de sérénité, elle se retrouve au sein des métropoles occidentales.

Dans la lignée de l’appartement Abode (orchestré par le studio Cereal), qui avait fait un certain bruit auprès d’un public d’esthète il y a deux ans, la ville de Londres multiplie les projets de la sorte.

Preuve en est par le projet « Infinity London », piscine aux parois transparentes et à la vue 360°, dont la date de livraison est prévue courant 2021, tout comme « The Tulip », porté par le cabinet Foster + Partners à horizon 2025, où le luxe est indéniablement tourné vers la domination du paysage urbain qui confère espace, volume et impression de vide.

A Copenhague, dans un style moins ostentatoire, les architectes Marshall Blecher et Magnus Maarbjerg du studio de design Fokstrot ont créé CPHØ1, une île flottante qui répond aussi à la demande de retrait(e) en ville. La plateforme, fait main dans la tradition des bateaux à cette fois ci vocation à être un lieu de rassemblement, autant qu’une aventure paisible, avant de s’étendre dans les prochaines années à d’autres terrasses, et développer un concept  « d’île dans la ville » sous une forme plus servicielle.

Diversification des offres par l’itinérance

Moins spectaculaire dans le format mais tout aussi efficace dans l’intention, ce vitalisme s’exprime aussi dans l’ar(t)chitecture de l’itinérance.Un réflexe presque pavlovien où les mises en scènes sont synonymes, plus que de contemplation, de communion avec les éléments et la nature environnante.

Aux Etats-Unis, le Contemplative « Glamping » – contraction de Glamour et Camping – est en pleine croissance sur Instagram, dans la lignée de la prise de conscience écologique qui touche le tourisme, et devient prisé de plusieurs têtes de gondoles médiatiques comme le photographe Travis Burke (825 000 abonnés).

Une logique de recul vis-à-vis du monde moderne qu’on retrouve en Europe dans des initiatives à forte valeur imaginaire comme la cabine Nolla, une maison concoctée par l’architecte finlandais Robin Falk et développée par Neste pour concilier luxe avec l’idée de surplomb, voire d’extraction vis-à-vis de son environnement.

Un phénomène connexe dans la culture

Au cœur de cette transformation, visible jusque dans le champ Instagram (où le hashtag #contemplative est mentionné près de 100 000 fois), le « vide » – artistique – de la même façon n’est plus dépourvu d’intérêt mais un espace d’interaction privilégié, à soi et son environnement.

A l’image du documentaire Arte commenté par Iggy Pop, « L’éloge du rien » (2019), qui met en scène une constellation d’instants suspendus, le No Show Museum à Zurich élève le rien et la « présence absence » au rang d’œuvre d’art.

Un parti pris qu’on retrouve en France chez Matthieu Ricard et Simón Vélez, au prisme de l’évènement artistique transdisciplinaire CONTEMPLATION, créé pour communiquer ce goût pour l’osmose, la plénitude et le lâcher prise.

Début décembre, Canada Goose montre enfin que l’appréciation de cette simplicité absolue pourrait demain s’appliquer au retail. A travers son concept Store « The Journey », à Toronto, qui plonge ses clients au cœur d’une mise en scène 3D de l’Artique, la marque tente à sa façon de sacraliser l’inaccessible, rebâtir des mythes, et orchestrer aussi des fantasmes transformationnels.

Image à la Une : London 360 Grad Infinity Pool

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