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Timothée Richard 16.12.20

Le retour du jeu de société

Décryptages

Face à la première industrie culturelle qu’est le jeu vidéo, les jeux de plateaux s’éloignent d’une culture de connoisseur pour proposer d’autres scènes de compréhensions émotionnelles et affectives.

Si le jeu de plateau a été largement à la peine au début des années 2010, ces derniers temps montrent que le gaming n’a pas totalement écrasé les activités ludiques.

A Cannes, le festival international du jeu de société s’est félicité en 2019 d’une fréquentation en pleine progression (+20% de visiteurs en un an) et d’après le cabinet NPD, le marché est désormais estimé à 322 millions d’euros, soit 9,4% du secteur total des jeux. Une première qui fait office de perspective revisitée pour les années à venir.

Expériences, coopération et liberté d’expression

Sur internet, c’est YouTube, à travers une vague de chaines dédiées aux jeux de table comme Bower’s Game Corner (6 100 followers) ou Le Passe Temps (35 000 abonnés), qui est devenu en l’espace de deux ans un réseau central et un rendez-vous pour les éditeurs, comme les joueurs souhaitant.

Aux Etats-Unis, des médias comme The Versed parlent de « revivalisme » et les éditeurs aussi se mettent à la page des derniers changements sociétaux.

Pour mieux coller à son temps, Hasbro, l’éditeur du célèbre Monopoly se réinvente a sorti Monopoly for Millennials. Une version où la « course à la possession » a disparu au profit d’achats « d’expériences », s’adaptant aussi au temps d’attention fragmenté qui secoue la capacité des joueurs à rester à table des après-midi entières.

Parallèlement, de nouvelles tendances plateaux émergent.  Les jeux « legacy » qui consistent à participer en partie à l’élaboration des règles comptent des références désormais internationales (Zombie Kidz Evolution, Pandemic Legacy, Seafall) et dans la culture anglo-saxonne, l’univers « STEM » (Science, Technologie, Engineering et Mathématiques) est aussi une clé d’entrée en pleine essor qui a su se démocratiser auprès du grand public.

En témoigne Wingspan, un jeu qui a reçu les éloges du New York Times pour sa façon de vulgariser l’univers des oiseaux et démocratisé une certaine idée du jeu de société instructif pour les années à venir.

Plus globalement, un article du Guardian explique cet été que la biologie cellulaire, l’évolution, les épidémies et les logiques de colonisation de planètes tierces sont devenues un prisme plus élégant et innovant pour le jeu.

Dans ce prolongement, et en réaction à un entertainment qui manque de profondeur pour faire société, d’autres parient sur le jeu pour créer une scène de l’intime.

Après « The Big Conversation Space », une conversation sur l’empathie élaborée l’année dernière par Clémence de Montgolfier et Niki Korth, d’autres incarnations comme « Koé » ont été aussi largement remarqué cet été. Fruit de la designeuse franco-japonaise Marie Ferragut, le jeu ambitionne de « créer à nouveau des instants d’échange » et s’inscrit dans la dynamique qu’on avait vu s’immiscer depuis quelques années maintenant autour de la libération de la parole collective.

Cette façon de s’engager et de partager, elle inspire aussi l’univers des entreprises. Début 2019, le cabinet Accior crée « Nosco » (un mot qui signifie « apprendre à connaitre ») à destination de ses employés et d’une qualité renouvelée de la qualité de vie au travail. Un sujet qui a largement été relayé par les médias, et permet de synchroniser les présences physiques avec les présences mentales et émotionnelles.

Expériences participatives pour les marques

En réaction à la course au spectaculaire, savoir apprécier la simplicité et le charme du jeu séduit en parallèle l’univers des marques.

Alors que certaines sociétés d’évènementiel se sont spécialisées sur la chasse au trésor à l’instar de Anima Event, allant jusqu’à organiser des chasses au trésor au sein du Louvre, les marques ont aussi largement capitalisé sur ce phénomène pour créer de l’engagement auprès de leur audience.

En 2017, Nike a proposé à travers ce concept de faire découvrir ces dernières pépites aux parisiens… et la marque a remis le couvert l’année dernière sur Craigslist, incitant sa communauté à dénicher sa collaboration capsule auprès la créatrice adulée des rappeurs Martine Rose. Jouant derrière ces conditions avec l’idée de Far West, une démarche d’achat totalement inexplorée, et un lien social renouvelé par le contact entre acheteurs et revendeurs.

Pour transformer une expérience en ligne classique en expérience excitante, jouant à nouveau sur l’inaccessible, Kenzo s’est aussi inspiré de l’univers du jeu. Avec Artefact, la marque a conçu le premier e-shop où les consommateurs doivent s’affronter au sein d’une « Shopping League » pour gagner le droit d’accéder à l’une des cent paires baptisée « Sonic ». Une initiative qui a eu un certain succès et reçue près de 200 000 visiteurs uniques pendant les 12 heures de campagne.

Au royaume de l’expérience clientil ne s’agit donc pas de niveler – par le bas – mais d’intégrer, à la proposition produit, les leviers immersifs du marketing du bonheur. Un moment où l’on s’éloigne du traditionnel transactionnel pour mettre en exergue la friction, la dimension émotionnelle de l’achat et la primauté des situations relationnelles sur les choses.

Image à la Une : The Big Conversation Table

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