Les business models écoresponsables repensés à l’heure du COVID-19
DécryptagesPendant le confinement, la nature avait repris ses droits faisant naître chez nos concitoyens une grande émotion et une prise de conscience exacerbée des enjeux environnementaux. Notre manière de consommer la mode s’en est-elle trouvée réellement modifiée ?
L’impact du Covid-19 sur les acteurs de la mode écoresponsable
Le confinement a amplifié de nouveaux comportements consommateurs favorisant le boom d’achats plus responsables et healthy comme l’alimentaire (+29%) et les cosmétiques bio (+38%), ainsi que les articles de sport. De grandes enseignes mode ont également misé sur une communication axée développement durable. Pourtant, les vêtements confectionnés à plus de 50% dans des tissus durables (biologiques ou recyclés), ne constituent toujours que 10% en moyenne des collections des grandes enseignes de la mode. Derrière les stratégies de communication affichées, quelle(s) réalité(s) se cachent pour les marques écoresponsables pratiquant l’éco-conception depuis leur naissance ? Et quel a été l’impact du COVID 19 sur leur production et leur distribution ?
Optimiser les moyens face à l’incertitude
Selon Christine Lancereau, fondatrice du showroom écoresponsable français The Clothette, « la quarantaine a eu un impact terrible sur les petites marques indépendantes avec de nombreuses restructurations en interne ». Une crise aussi internationale n’était jamais arrivée et pour Ali Rakib – fondateur de Forweavers, commerce solidaire de textiles rares dans le monde, « la meilleure chose à faire est de se mettre en boule en attendant que ça passe et réduire les frais fixes sans chercher à forcer les choses et à changer de stratégie pour mettre toutes ses billes dans le e-commerce ». Il faut rappeler que l’activité online dans la mode, victime de son succès, est de plus en plus coûteuse et perd en efficacité. Sans surprise, les marques DNVB (Digital Native Vertical Brand) s’en sortent mieux à l’image de Sézane qui comptabilise aujourd’hui 70% de matières écoresponsables et continue de bien fonctionner malgré un léger ralentissement.
Réorganiser la production : une redistribution des cartes pour le plus grand bonheur des acteurs de la mode durable ?
Le Covid19 a affecté la production des marques écoresponsables. Pour The Clothette, un showroom écoresponsablele, le résultat est une livraison plus tardive en septembre des collections AH20. Christine Lancereau, fondatrice du showroom, se questionne à ce sujet : « Pourquoi presser les fournisseurs et les marques à livrer dès mai alors qu’ils ⌈les distributeurs⌉ commenceront à les mettre en magasin en septembre/octobre ? Cette crise questionne les pratiques commerciales de la mode, et peut être bénéfique. ».
Certaines marques ont choisi de décaler la livraison de leur collection PE20 au printemps 2021 ; d’autres misent sur la conception d’une collection PE21 efficace et commerciale avec peu de prise de risques et un nombre de pièces plus réduit pour limiter les stocks.
Dans ce contexte instable, marques et usines continueront de travailler main dans la main pour revoir l’organisation de la production en prenant compte de la distanciation sociale, et favoriseront des productions plus locales, en Europe et en Afrique du Nord.
Enfin, quelles que soient les stratégies de livraisons des marques, les capsules et les collab’ permettront d’animer le retail et leur communauté, et de relancer les achats.
Distribuer en plaçant l’humain au centre de la stratégie
On aurait pu penser que l’obligation du port de masque refroidirait les fashionistas à la reconquête d’une liberté de consommer bafouée pendant le confinement. Mais bonne nouvelle pour le business à destination des millenials, un segment plus regardant sur la dimension écoresponsable des marques, les magasins Citadium ont enregistré une belle reprise en mai, notamment en province. Ils développeront d’ailleurs dès septembre leur offre boutique écoresponsable en intégrant la marque EcoAlf.
Quant aux autres distributeurs, orientés vers une cible plus large, les petites boutiques se sont mieux débrouillées que les grandes selon Christine Lancereau. Aussi, les détaillants écoresponsables ayant développé leur communauté en plaçant la valeur humaine au cœur de leur stratégie, s’en sont mieux sortis pendant le confinement. La raison ? « L’envie de les aider car ils aident le monde ».