Nouvelles masculinités : pourquoi crush-t-on sur Paul Mescal ?
Être un homme en 2024, ce n’est pas si simple. Loin de nous l’envie de donner raison aux Incels* (*communautés en ligne dont les membres se plaignent de leur incapacité à trouver une partenaire amoureuse ou sexuelle) ou aux masculinistes* (*mouvement réactionnaire antiféministe) – mais il faut reconnaître que la question se pose : qu’est-ce-que cela signifie, être un homme aujourd’hui ?
Avant de questionner la place des hommes, parlons d’abord des femmes.
On ne vous apprend rien : le mouvement #MeToo s’est accompagné d’une montée du féminisme. Les nouvelles représentations des femmes réfutent la vision parfaite, aseptisée et sur-sexualisée du male gaze* (*littéralement, regard masculin). « Être une femme » est devenu sujet à des interprétations infinies.
En contrepartie, les hommes ont vu leur rôle remis en question. Plus que les hommes eux-mêmes, c’est ce qu’ils représentent qui a été problématisé et critiqué par les cultures woke et queer (« Cher Connard » de Virginie Despentes, « Kid » de Eddy de Pretto, et plus récemment « Masculinity » de Lucky Love ou encore « La prochaine fois que tu mordras la poussière » de Panayotis Pascot). Conscients de ce qu’ils incarnaient, certains hommes ont entamé leur travail de déconstruction – créant une fracture dans un même genre. « Sois un homme », voilà une phrase qui ne veut plus rien dire.
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Chaque (r)évolution s’accompagne de sa riposte. Si certains hommes œuvrent pour devenir la véritable meilleure version d’eux même, d’autres – plus réactionnaires et conservateurs – redéfinissent « l’homme idéal » dans toute sa toxicité d’antan – décrit Ophélie Lepert, consultante consumer trends & insights de NellyRodi. Sur TikTok, les propos hyper masculinistes et sexistes explosent, et sont même validés par certaines femmes (@thaidescufon, suivie par plus de 92K personnes sur la plateforme, critique par exemple les « mauvais » choix des femmes modernes). Portés par TikTok, ces discours se propagent de manière décomplexée chez les plus jeunes. Aux US, seul 43% des hommes de la GenZ se considèrent féministes, contre 52% des Millenials (Why Young Men Are Turning Against Feminism – The Survey Center on American Life). Face à ce phénomène, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes a entrepris une campagne de sensibilisation, comparant des images de l’INA datant de 1975 à des TikToks afin de dénoncer la misogynie et la masculinité toxique ambiantes.
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Fort heureusement, ces Chads* (*ou mâles alpha) ne font pas l’unanimité. Tout le monde ne s’identifie pas aux stéréotypes des pubs pour déodorant des années 90. Les hommes eux-mêmes rejettent les rôles qui leurs sont associés, permettant une représentation moins binaire et plus inclusive de la masculinité.
Les hommes dits « sensibles » ont la cote. Timothée Chalamet, aux traits doux et à la corpulence fine, ou encore Paul Mescal et son attitude tendre, sont nos nouveaux crushes fictifs favoris. Ils incarnent la vulnérabilité et l’empathie, et prônent des connexions humaines plus profondes.
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Depuis quelques années, de nouvelles paternalités, plus fragiles, sont dépeintes dans les films et séries (Aftersun de Charlotte Wells, The Son de Florian Zeller, ou The Last of Us de Neil Druckmann et Craig Mazin). Sur les catwalks, les hommes se dénudent – avec douceur et sans vulgarité aucune – et défilent poétiquement en collants pour JW Anderson (Menswear FW24/25). En France, conscients de leur rôle dans la contraception, de plus en plus d’hommes (30 288 en 2022 vs. 1 940 en 2010) ont recours à la vasectomie, selon une enquête de l’équipe Epi-Phare.
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D’autres se réapproprient les attributs habituellement associés au genre féminin et cherchent à se détacher de ce qui, historiquement, fait l’homme. Ils se montrent alors en jupe ou en robe – sans rattachement à une identité sexuelle, comme Bad Bunny en talons et en robe rose Jacquemus. On parle aussi d’une « slutification* » (*érotisation et sexualisation de l’apparence) de la masculinité : Jacob Elordi et son attitude sensuelle (en noir et blanc) – en Saint Laurent pour GQ Magazine.
« Être une homme » se traduit maintenant par des expressions plurielles qui laissent place à la libre interprétation de chacun, selon ses convictions, ses valeurs et ses codes.
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