Parfum capiteux 2.0 : des notes gourmandes et fruitées pour revendiquer son identité
DécryptagesCes dernières années, la parfumerie était dominée par des senteurs gourmandes et sucrées de bonbons – quelque peu artificielles (La vie est belle de Lancôme, Poison de Dior ou Angel de Mugler). Aujourd’hui, nous allons plus loin encore dans la gourmandise (mais cette fois avec des extraits naturels de fruits) – parce que nos nez sont déjà habitués aux odeurs fortes, mais aussi par volonté de revendication identitaire et de différenciation. Vincent Grégoire, Directeur Consumer Trends et Insights de NellyRodi, explique le renouveau de la gourmandise olfactive.
Place à la gourmandise fruitée, à l’audace et à la sensualité
Après les bouleversements causés par la pandémie – où nos sens ont été mis à l’épreuve – il y a un véritable besoin de renouer avec une hyper-sensualité. Les nouveaux parfums gourmands répondent à cette quête de sensations exacerbées. Ce sont littéralement des parfums qui nous font sentir vivants. Ils éveillent et titillent nos sens : l’odorat évidemment, mais aussi le toucher et le goût ! Ces fragrances en deviennent charnelles, avec leurs notes épicées comme le gingembre, réputé pour son caractère aphrodisiaque, et leur base de fruits juteux et liquoreux comme la pêche ou la cerise – des fruits pas si innocents. Étrangement, ces bouquets nous évoquent les corps, la sueur, le sexe. Il y a quelque chose de très animal. On a envie d’embrasser, de lécher, de croquer les cous.
Porter ces parfums est aussi une manière de se rendre visible olfactivement, de prendre de la place, de refuser l’uniformisation. Il s’agit presque d’un acte politique pour certain.es, une provocation à l’autorité et aux conventions établies, une volonté de secouer la bien-pensance conservatrice. ‘Choquer le bourgeois’ à coup de sprays odorants.
Ces parfums gourmands nouvelle génération évoquent une quête de sensations si intense qu’elle semble dangereuse et procure ce frisson de l’interdit. Ils flirtent avec l’ivresse et le plaisir coupable. Alcool, café, tabac… Ces compositions littéralement addictives suggèrent des univers undergrounds, des lieux où les règles sont faites pour être transgressées et où le parfum devient une signature personnelle, un emblème de contre-culture.
Véritable invitation à l’affirmation de soi et à la liberté d’expression, ces notes olfactives effacent les notions de masculin et féminin au profit de compositions dans lesquelles le genre n’existe pas.
Il est également important de noter que ces notes ne sont pas occidentales : on parle de vanille, de café, de fruit du dragon, d’ananas, de litchi, de gingembre…. Évidemment, toutes ces odeurs enivrantes nous évoquent des ailleurs lointains et fantasmés. Et il est important d’interroger pourquoi elles nous attirent. Certain.es pourraient souligner leurs connotations colonialistes – une question qui mérite d’être posée. Y a-t-il de l’appropriation culturelle dans la parfumerie ?
Outre ces questionnements, on note une tendance vers des parfums monomaniaques, qui s’affranchissent des cocktails sophistiqués pour privilégier des compositions plus simples, plus lisibles, et surtout plus radicales. Dans notre cahier de tendances Life&Style 2026 nous présentons le profil de consommateur.ices des ‘Radicaux’, qui veulent exprimer quelque chose d’unique, sortir du lot – et si possible en dérangeant. Ici, on est vraiment dans ce schéma : les consommateur.ices audacieux.ses recherchent des parfums disruptifs qui cassent les codes de la parfumerie traditionnelle – trop sage et consensuelle.
Angel, Poison ou La vie est belle, répondent à la volonté de se faire remarquer, leurs descendants sont plus gourmands, fruités, et surtout moins entêtants (comprenez : s’il vous plait ne ressortez pas vos flacons). Ces parfums capiteux 2.0 incarnent cette quête d’affirmation plus profonde et de prise de pouvoir. Une véritable révolution qui bouscule les codes et dérange – et pas uniquement les narines.