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Ako Enomoto 30.09.25

Petit état des lieux de la mode au Japon

Ako Enomoto représente NellyRodi au Japon. Nous lui avons demandé de nous expliquer où en était le marché japonais de la mode.

Comment se porte le marché japonais de la mode aujourd’hui ?

Le marché japonais de la mode a connu de profondes mutations au cours des dernières décennies. Après une période de prospérité marquée par une consommation de masse et un dynamisme particulièrement fort dans les années 80 et 90, le secteur a progressivement décliné. La saturation du marché, le vieillissement démographique et l’évolution des comportements d’achat ont entraîné une contraction durable.

Toutefois, depuis quelques années, cette tendance semble s’atténuer. Le recul n’est plus aussi marqué et certains indicateurs laissent entrevoir un retour progressif de la croissance, voire un nouvel élan créatif et commercial.

La pandémie de Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur dans cette transformation. Durant cette période, l’e-commerce a connu une croissance spectaculaire, prenant une place sans précédent dans les habitudes de consommation. Les restrictions sanitaires, la fermeture des magasins physiques et l’adoption massive du numérique ont favorisé ce basculement.

Pourtant, depuis la réouverture du pays, une tendance inverse émerge : les consommateur·ices redécouvrent la valeur ajoutée des magasins physiques, notamment à travers les expériences qu’ils offrent. Le contact humain, la mise en scène immersive et la possibilité d’essayer les produits redeviennent des atouts majeurs. Dans cette optique, il est probable que les points de vente traditionnels joueront à nouveau un rôle central dans la distribution, à condition qu’ils continuent à se réinventer.

Est-ce-que les habitudes des consommateur·ices ont changé aussi ?

Le comportement des consommateur·ices a lui aussi profondément évolué. Nous sommes passé d’une consommation de masse, centrée sur la tendance et l’achat impulsif, à une consommation dite « sélective ». Chaque acquisition est davantage réfléchie et repose sur des critères tels que la qualité, la durabilité, l’éthique de fabrication et la possibilité d’utiliser le produit sur le long terme.

Sur le plan stylistique, la mode japonaise reflète des changements sociétaux plus larges. Les frontières entre le masculin et le féminin s’estompent : les créations unisexes gagnent en popularité et les consommateur·ices, qu’ils soient hommes ou femmes, recherchent des vêtements polyvalents qui expriment une identité plus libre et individualisée.

Ce phénomène est renforcé par la montée du bien-être, l’évolution des styles de vie et les activités de plein air, où le vêtement sportif s’intègre au quotidien. L’augmentation de la pratique du sport et du fitness stimule également la demande pour les vêtements de performance, faisant émerger des marques spécialisées comme Arc’teryx, On ou Goldwin, particulièrement appréciées pour leur technicité et leur esthétique minimaliste.

Les marques de luxe européennes conservent une influence majeure. Cependant, nous observons également l’émergence de créateur·ices japonais·es qui, après avoir fait leurs armes à Paris, Milan, Londres ou New York, retournent au Japon pour lancer leur propre marque, en apportant leur expérience et leur réseau international.

Des marques comme Tanaka, Kanako Sakai, Chika Kisada, Taiga Takahashi (T.T) ou ssstein élargissent progressivement leur audience internationale et communiquent à l’échelle mondiale en opérant depuis deux pôles, Tokyo et Paris ou New York.

Une autre tendance forte au Japon semble être celle de la seconde main et du vintage : Pouvez-vous nous en parler ?

Le Japon a toujours eu une relation particulière avec la mode d’occasion, mais aujourd’hui ce secteur connaît une nouvelle dynamique. Les jeunes consommateur·ices, soucieux·ses de durabilité et en quête d’unicité, se tournent massivement vers les vêtements vintage ou de seconde main, perçus comme plus authentiques et porteurs d’histoire. Cette recherche de singularité s’accompagne d’une attention croissante portée aux enjeux environnementaux. De nombreuses marques proposent désormais des collections fabriquées à partir de matières recyclées ou biologiques. L’exemple de CFCL illustre cette tendance : la marque s’est imposée grâce à une approche innovante qui conjugue durabilité, design et technologie.

Qu’en est-il du paysage retail au Japon ?

Le paysage retail japonais continue d’évoluer avec l’apparition de nouveaux concepts et d’espaces dédiés à la découverte. Des lieux comme Shibuya PARCO, Beauty & Youth United Arrows, ou encore des événements tels que le Fashion Prize of Tokyo et la Rakuten Fashion Week jouent un rôle clé dans la mise en avant des jeunes talents et des nouvelles marques. Ces plateformes offrent aux consommateur·ices l’opportunité d’expérimenter la mode sous un angle différent, en mélangeant shopping, culture et innovation.

En résumé, le marché japonais de la mode se trouve à un moment charnière. Après avoir traversé un long cycle de déclin, il entre dans une phase de redéfinition où se conjuguent digitalisation, retour de l’expérience en magasin, consommation sélective, unisexe, durabilité et créativité internationale. Ces mutations témoignent non seulement de l’adaptabilité du secteur, mais aussi de sa capacité à redevenir un laboratoire d’idées et un acteur influent sur la scène mondiale.

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