The Real Universe
DécryptagesPassée la focalisation sur l’essor de son industrie, le gaming se transforme en une économie de médias, modifiant la manière dont les marques construiront leur crédibilité.
Le marché global de l’Entertainment (séries, musique, films, évènements sportifs) est prolifique. En 2021, il pourrait grimper à 439 milliards de dollars pronostiquait, début 2018, le cabinet britannique Future Source Consulting.
Un record qui rappelle la proximité nouvelle avec la formule de Bill Gates « Content Is King », soulignant la prévalence de l’attention dans nos mondes numériques.
Dans ce contexte, et bien que sous-médiatisée en Europe, la première industrie culturelle est celle qui connaîtra dans les années à venir la plus grande croissance au niveau mondial – + 22,3% par an sur les trois prochaines années. Devenant une entreprise médiatique et un nouveau levier, non seulement de communication mais d’interaction et d’expérience pour les marques.
Extension du jeu dans la culture dominante
A l’été 2018, Dave McCarthy, responsable des opérations Xbox chez Microsoft, a insisté sur une industrie culturelle qui veut désormais « s’adresser à tout le monde » et s’imposer comme un vecteur de changement à l’échelle de la société.
Sur Instagram, l’hashtag #gaming (33 millions de publications) est désormais plus représenté que le terme #entertainment (13 millions de publications) ou que des hashtags sectoriels comme #culture (26 millions de publications).
Le ESport quant à lui, tendance latente des années 90, est devenu deux décennies plus tard un secteur à part entière, accessible 24H/24 et plus médiatisé désormais que n’importe quel sport conventionnel.
Dans l’imaginaire des consommateurs, le secteur est aussi passé d’une culture #Geek a un phénomène culturel capable de représenter, comprendre et impacter la société dans son ensemble.
Au Royaume-Uni, des expositions à forte notoriété comme VIDEOGAMES au Victoria & Albert Museum à l’hiver 2018, ont fait l’objet d’un certain succès, démocratisant les codes du secteur aux yeux d’un public en demande de références.
En France, Arte participe à ce renouveau en publiant « The Art Of Gaming » cette année, mettant en avant, sous forme de courtes vidéos, des œuvres de plus en plus jusqu’au boutistes redimensionnant le rapport du joueur/consommateur au divertissement.
En Corée du Sud, le secteur a aussi été un vecteur puissant de changement des mentalités. L’année dernière, des joueuses comme Kim Se-Hyeon sont devenues des symboles féministes pour la nouvelle génération et dans le même laps de temps, des communautés de gaming comme Famerz se sont rassemblées pour lutter contre la misogynie globale dans le monde numérique, s’offusquant contre la réification des femmes et mettant en avant des personnages féminins moins caricaturaux ; Ana dans l’Overwatch League, Emily Kaldwin dans Dishonored ou encore Kerrigan dans Starcraft.
Un canal marketing en pleine (r)évolution
Alors que la BIF (Brand Influencer Fatigue) s’installe progressivement sur les réseaux sociaux, comme le rapport à la TV diminue, l’univers du gaming fait office de relais d’influence, notamment pour les industries créatives. En témoigne les propos de Reed Hastings, le patron de Netflix en début d’année : « Nous rivalisons (et perdons) avec Fortnite plus qu’avec HBO », dans une lettre à destination de ses actionnaires. Preuve que l’industrie vit un tournant dans sa manière de s’interconnecter et se monétiser auprès des autres industries.
Parmi les pionniers à avoir senti le vent tourner autour de cette sphère, 100 Thieves a été un des succès remarqué cette année. Ecoulant plus de 500 000 dollars de vêtements en 5 minutes lors d’une opération de vente en ligne. Le genre de chose qui rappelle l’émergence de marques de streetwear établies comme Supreme.
Du côté des acteurs traditionnels, la liste des « mega deals » est aussi en pleine expansion. Inscrivant définitivement le gaming comme une sphère médiatique à saisir.
Avec son partenariat avec Ninja, Adidas a probablement atterri sur l’un des meilleurs joueurs en ligne et Nike a répondu en septembre sponsorisant la ligue professionnelle de League of Legends en Chine.
Dans le monde du ballon rond, le PSG a aussi saisi l’enjeu d’une exposition sur ces nouveaux médias en composant des équipes FIFA, Dota 2 ou encore Rocket League pour faire rayonner sa marque en Asie – vendre davantage de produits dérivés et attirer de potentiels nouveaux sponsors.
En 2019, la chose est aussi devenue virale pour les marques de luxe : Louis Vuitton en tête, concoctant pour la première fois le trophée de la finale de la Coupe du Monde de League of Legends, le 10 novembre à Paris. Depuis l’annonce de ce néo partenariat avec l’éditeur Riot Games (fin septembre), les fans d’Esport ont mentionné #LouisVuitton plus souvent (environ 6 fois plus) et de manière plus positive, tandis que l’enseigne a également dévoilé des tenues pouvant être portées par les personnages du jeu. Un partenariat qui consacre la volonté de la marque de renforcer son influence auprès des 90% des 8 millions de joueurs quotidiens de la plateforme qui résident en Chine.
D’une façon un peu différente, Burberry a aussi capitalisé sur cet élan apportant un nouveau souffle expérientiel à ses clients à travers B Bounce, une interface où la marque met en avant ses doudounes signées Thomas Burberry. Une ligne de démarcation impensable encore il y a quelques années qui rappelle la façon dont Gucci a pacté avec Genies et le monde des avatars.
L’avenir de l’immersion pour les lieux physiques ?
Ainsi, le secteur met à jour de nouveaux modes de communication rupturistes auprès de la génération z et comprend le fonctionnement de l’attention à l’ère numérique. Une donnée particulièrement aspirationnelle pour les marques.
Si la diffusion du sport à la télévision s’inspire de plus en plus des jeux vidéo –notamment sur un affichage plus dynamique des informations– c’est le retail qui est le plus directement lié à ces logiques désormais.
Après l’expérimentation réussie entre H&M et la maison Moschino l’année dernière, le groupe foncier Unibail-Rodamco-Westfield a récemment signé un partenariat avec The VOID, leader dans le domaine de la réalité virtuelle, pour proposer des expériences d’immersion virtuelle aux clients de ses centres commerciaux. Et 25 d’entre eux accueilleront prochainement des espaces de jeux vidéo, inspirés de Star Wars, Ralph ou encore de SOS Fantômes. De quoi alimenter la tendance « retail renaissance » où l’expérience client règne en maitre.
Dans un autre registre, Nike a lancé « Reactland» installé dans quatre magasins et sur un site éphémère en Chine. Une initiative où les joueurs contrôlent un avatar d’eux-mêmes traversant un territoire fantastique qui représente les attributs de la chaussure (légère et souple) qui a montré que cette créativité pouvait être synonyme d’engagement puisqu’après un mois, 48% des joueurs ont acheté les chaussures.
Plus récemment, avec des néo-entrants comme Yoox Mirror, sortie le 4 novembre, qui propose de conjuguer univers de la mode et avatars, il est fort à parier qu’il existe là les prochains leviers de démarcation d’une génération de marque désireuse de capitaliser sur les boucles d’engagements qu’on sut créer ces mondes virtuels.
Pour approfondir le sujet, rentrez en contact avec Claudine Martin pour accéder à notre étude prospective E-Sport & Gaming réalisé en partenariat avec WEBEDIA.
Image à la Une : WEB BFA