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Timothée Richard 14.12.20

Wise Autonomy

Décryptages

Exit les dimensions de domination, d’hégémonie et de suprématie, les notions d’autonomie et de résilience deviennent modèle, mesure et mentor des projets de société.

L’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle, hier cantonnée à la mauvaise presse, devient sagesse largement débattue dans les cercles sociaux. En témoignent le succès de comment tout peut s’effondrer, hissé au rang de best-seller début janvier 2019, et les discours de « catastrophisme éclairés » repris par les médias. Cette dystopie ambiante a pourtant une vertu : elle invite à imaginer si ce n’est des postures radicales au monde, des modes de vie alternatifs et innovants fondés sur la résilience coté consommateurs, et laisse imaginer de nouveaux pôles de créativité.

Résilience des réponses architecturales

Alors que les discours sur la fragilité et l’interdépendance des écosystèmes trouvent de plus en plus d’adeptes, au moins dans le mythe social, le prisme de la résilience est d’abord une façon de continuer à créer des univers utopiques. Des univers-solutions indépendants qui feront face aux prévisions les plus périlleuses.
Dans l’architecture, une multiplicité de projets s’empare du thème à travers le concept de Bug Out Location (BOL) : la résidence de survie en dehors de la ville. A commencer par les architectes européens. Créateurs d’une pratique architecturale primée « Innovation Imperative », le studio de design et les ingénieurs de WSP ont imaginé sur ces bases, Tetra Hotel comme une structure futuriste totalement hors-réseau. Avec des éléments nouveaux de conception comme la modularité (géographique) et la neutralité carbone.

Dans cette lignée, les initiatives de constructions indépendantes se diversifient un peu partout. L’architecte Kazakh Aibek Almassov propose une maison arbre ; et d’autres exemples de capsules plus nomades de connexion à la nature émergent comme les tentes suspendues de Stingray Treechez, spécialiste de l’Outdoor Tensile. Une pratique plus flexible et qui porte le modèle du nomade plus loin encore, comme la solution la plus adéquate face aux incertitudes climatiques.
D’autres projets apprivoisent des visions utopiques ancrées dans des scénarios plus dystopiques. En 2018, Skyshelter.zipreçoit le prix Evolvo avec une ligne autrement innovante ; un concept de hub multi-usage qui pourrait apporter du réconfort dans les zones frappées par une catastrophe. A cette idée est apportée une structure compacte, facile à transporter, et pouvant être déployée avec un minimum de temps et d’emplois. Nouvelle tendance « collapse-ready » ?

Dans le contexte plus périlleux encore du milieu polaire, les architectes Saba Nabavi Tafreshi et Luca Beltrame ont donné naissance au projet Heal-Berg en 2017 avec l’idée de loger les sinistrés du réchauffement climatique, tout en abaissant la température de l’océan (en faisant remonter les eaux profondes, plus froides, à la surface).

Autonomie des comportements à venir

Quid de l’organisation sociétale ? des fondamentaux de l’existence ?
De circonstances, consommateurs et intellectuels s’intéressent aussi de près aux intelligences animales ; mémoire, navigation, coopération, innovation, empathie. Et aux rapports reptiliens au monde ; le castor architecte, les fourmis guerrières, les prédateurs médecins… Ils deviennent chacun des sujets de réflexion et d’inspiration.

Et le survivalisme, lui aussi, fait l’objet d’un nouvel intérêt. Défini aux Etats-Unis par l’imaginaire de Mick Dodge, et un rapport démentiel aux dangers, les marqueurs identitaires du mouvement évoluent pour devenir protéiformes et plus englobants en Europe, selon l’analyse du sociologue Bertrand Vidal – de la référence libertaire vers une appétence dédiée à l’autonomie, énergétique ou alimentaire, et au souci écologique. Acquérir des savoir-faire nouveaux « Pour vivre indépendamment du système et mieux se retrouver » analysait le média Slate l’année dernière à la sortie du premier salon sur le thème en France.
Une tendance qui se retrouve aujourd’hui dans une relation plus proche avec le monde de l’Outdoor – randonnée, escalade, trek, énergies nomades -, chiffré par L’European Outdoor Group (EOG) à 5,86 milliards d’euros en 2018 (+7% en deux ans).
Côté innovation, la bio-inspired-economy révèle aussi un désir d’indépendance nouveau ; sur l’énergie avec des idées comme Glowee (créer de l’électricité grâce à la mer) ; mais aussi sur l’architecture archi autonome de Mike Peace au Kenya ou Manal Tachdi et Philippe Chiambaretta en France. Avec la volonté de démocratiser la logique de cradle-to-cradle qui souhaite réutiliser les matières et les énergies, à l’infini.

Des réponses assez simples in fine à des problématiques globales, qui veulent étendre le champ des relations sociales au-delà de la sphère humaine.

Crédit de couverture © Tetra Hotel Project

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