Clean Fish
DécryptagesAlors que les réserves naturelles plongent, les startups qui imitent ou fabriquent du poisson en laboratoire font surface.
Après la « viande sans viande », désignée comme la nouvelle lubie d’une alimentation « healthy » et fonctionnelle l’année dernière, l’intérêt pour les protéines de substitution s’étend autour du poisson.
En jeu : la lutte contre la disparition des espèces de poissons, dont la revue scientifique Nature avait fait largement étaten 2016 mais aussi la réponse aux remarques faites plus récemment par les experts du GIEC qui ont plaidé contre toute sorte d’élevage pour entamer un ré-équilibre du système alimentaire.
Les cellules souches, nouveaux avatars des start-ups
S’il est encore tôt pour imaginer la chose à grande échelle, plusieurs initiatives ont montré que les efforts apportés sur la multiplication des cellules de poissons sauront répondre à cette demande.
En Californie, Finless Foods a commencé à produire du thon rouge de laboratoire – axant son apport autour d’une alternative durable à la demande autour d’une espèce en voie de disparition – suivie de près par d’autres start-ups, qui ont trouvé des investisseurs de taille pour se développer dans les années à venir.
Parmi elles, Wild Type, une entreprise qui a achevé un cycle de 3,5 millions de dollars pour développer son projet de chair artificielle de saumon émincé, et la société singapourienne Shiok Meats, gratifiée de 4,6 millions de dollars pour un business model du même acabit autour de la crevette – une industrie particulièrement critiquée sur la manière dont elle intègre les problématiques RSE. Faisant de la firme fondée par Sandhya Sriram et de Ka Yi Ling, la première entité a bénéficier d’une telle somme pour se développer dans le secteur.
Outre-atlantique encore, le New-York Times révèle sur cette lancée que d’autres acteurs implantés sur le marché de la « clean meat » comme Impossible Foods, la société à l’origine de l’Impossible Burger, ont aussi senti le vent se lever sur le « clean fish » et entament leur diversification.
“Culinary rebels with a cause”
Alors que le système alimentaire actuel est pointé du doigt pour son impact environnemental (25% des émissions de gaz à effet de serre selon la presse américaine) et que des signaux forts ont été envoyés par l’industrie (Tisson Food et Nestlé ont récemment décidé de devenir des entreprises vegans), les alternatives végétales ont aussi le vent en poupe.
Après le succès commercial et le phénomène culinaire qu’a été BeyondMeat en début d’année – l’entreprise a doublé ses ventes sur Q1 2019 -, Good Catch, tout récemment référencé chez Whole Foods, propose du thon à base de farine de pois chiche et de protéines de lentille, s’inscrivant dans la mouvance : « Culinary rebels with a cause ».
Côté restauration, même son de cloche. Les ONG influentes à l’image de Seafood Watch commencent à référencer les « sushis écologiques » et plusieurs projets tentent de bousculer la perception gustative que le consommateur se fait du poisson végétal.
En tête de ce mouvement on retrouve Tomato Sushi, fruit du chef américain James Corwell’s, avec un slogan sans détour : « Sushi is awesome. Extinction is not. » monnayant le choix du « fake » comme une réponse à la question de la survie de certaines espèces.
Si le marché est en cours d’évangélisation, notamment sur la capacité de ces alternatives à produire une expérience sensorielle convenable – goût, apparence, texture et nutrition –, certaines perspectives pourraient attirer encore un peu plus l’appétit autour du sujet.
En Inde, les associations tirent la sonnette d’alarme sur les effets des régimes sans protéines, notamment dans l’alimentation des enfants, et la demande de poisson, après avoir doublé en 50 ans devrait bondir de 40% à horizon 2030 selon le centre scientifique de l’Union Européenne.
De quoi pour l’industrie se poser largement la question des alternatives à la fois fiable, linéaire et résolument écologique.
Image à la Une : United States Fish and Wildlife Service © Victor Tangermann