Under Tourism
DécryptagesAu moment où l’éthique et l’authenticité sont élevées au rang du sacré, une nouvelle mappemonde touristique se met en place.
Après le slow voyage et face aux critiques de « l’Over Tourism », – qui jugent intrusive, parfois destructive, l’immersion de touristes dans les villes attractives – les experts universitaires comme James Kennel abordent la notion « d’Under Tourism » pour souligner le changement de paradigme des consommateurs vis-à-vis de l’industrie touristique.
En ce terme plusieurs constats émergent : la prise de conscience de l’impact social et environnemental du secteur ; la multiplication des chantres de l’expérience touristique authentique ; et le retour de la figure de l’habitant, qui, pour des observateurs comme Marine Loisy – chercheuse en anthropologie sociale -, n’a jamais été aussi valorisée.
Dans ce contexte, les destinations uniques et les expériences transformationnelles – plutôt que l’hébergement de luxe – sont en passe de devenir l’extravagance ultime.
De l’authenticité plaquée Or
À l’heure de l’airbnbisation des espaces – comme critiquée par le journaliste Carlos Zanón l’année dernière dans El Pais – il ne suffit plus, pour bâtir un moi distinctif ou transgresser la norme, de faire un pas de côté, mais de s’éloigner de l’idée de « contrefait » et de confort conformisant.
Un phénomène analysé côté offres commerciales par l’essayiste Jean-Laurent Cassely dans « No Fake », qui met en cause notamment la standardisation des expériences et le sentiment d’irréalité qui s’est propagé un peu partout au détriment d’une conception appropriée de ce qui est « vrai ».
A l’encontre de ce phénomène et à rebours d’une industrie où cette homogénéité est dangereuse – pour l’environnement et pour l’attractivité du secteur -, plusieurs agences proposent donc une autre idée du luxe avec voyages mystères et éthiques à la clef. Une immersion différenciante proposée par des agences comme Wix Squared qui soigne son offre authentique en sélectionnant la destination idéale en fonction des goûts personnels, des dégoûts et des exigences pratiques préalablement renseignées par le consommateur.
Alors que le segment du voyage de luxe est en pleine expansion selon une étude d’Allied Market Research (avec un taux de croissance annuel de 6,4% prévu entre 2016 et 2022), cette vague d’un voyage plus « transformationnel » est repris par des agences comme 700,000 heures, ou des clubs ultra premium comme The Extraordinary Adventurous Club (EAC).
Même si ces concepts font office de niches (à partir de 175 000 £ le séjour pour The Extraordinary Adventurous Club), ils sont représentatifs de l’idée de luxe en elle-même qui est désormais adossée au voyage : « L’exlusivité était autrefois une affaire d’or, de marbre et de lustres, de grands lobbys et de fastueux hôtels. C’est maintenant un sujet de destination. Il s’agit de ce que je reçois en tant qu’invité d’un point de vue éducatif et émotif », confirme Guy Heywood, directeur de l’exploitation dans les hôtels et complexes Alila.
Nouvelle mappemonde touristique
Alors, où faut-il aller chercher cette nouvelle carte touristique ? Alors que la Gen Z est plus que jamais en « quête de vérité » selon nos études, les lieux secrets et les spots isolés et inattendus sont la nouvelle référence.
Ainsi Bhoutan est la nouvelle référence himalayenne du tourisme soigneusement contrôlé ; tout comme les îles Andaman deviennent plus prisées que les Maldives ; Sumba plus tendance que Bali ; et le phénomène, – qui précède l’économie touristique – se vérifie dans les plus grandes villes avec un afflux de plus en plus fort vers des lieux comme Alger – plutôt que Marrakech – ou Podgorica (Monténégro) – plutôt que Dubrovnik.
De la même façon, en France, l’Auvergne – plutôt que la Côte d’Azur – fait l’objet d’un intérêt nouveau sur ces critères.
Selon le magazine Mint, c’est aussi des lieux comme l’Ecosse des Highlands qui méritent désormais notre attention, portée par l’aspect visuel… Dans la lignée, les destinations reculées que sont l’Islande (+ 380% de fréquentation en 8 ans), le Kirghizistan, ou encore la Norvège (lieu du projet Svart, par l’agence d’architecture Snøhetta à horizon 2021).
Au cœur de ces nouveaux codes on retrouve aussi la dynamique dynamisante des « staycations », qui, en Afrique et un peu partout, redessinent un tourisme local. Une perspective d’ores et déjà annonciatrice d’une meilleure répartition géographique, saisonnière et thématique du tourisme mondial.
Image de couverture © Deplar Farm / Islande